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Un homme inspecte les dégâts causés au parlement yougoslave, à côté d'un graffiti indiquant « Vous êtes fini », le 8 octobre 2000, dans le centre de Belgrade, à la suite d'un soulèvement le 5 octobre au cours duquel des milliers de personnes ont envahi les rues de la capitale pour réclamer la démission du président Slobodan Milosevic.
A la fin des années 1990, il était partout : un poing noir, serré, symbole de résistance au régime de Slobodan Milosevic et du mouvement qui l'a renversé, Otpor. Vingt-cinq ans plus tard, l'un de ses fondateurs salue ému la nouvelle génération de manifestants serbes, "courageux, intelligents et créatifs".
"Otpor fut le cri d'une génération contre les guerres, la répression et la crise économique",
rappelle Srdja Popovic à l'AFP, des Etats-Unis où il enseigne à l'Université de Virginie.
Depuis le 1er novembre 2024 une nouvelle génération, née après l'an 2000, descend dans les rues serbes pour réclamer justice dans l'enquête sur l'effondrement meurtrier de la gare de Novi Sad, des élections anticipées et le respect de l'état de droit.
La manifestation du 5 octobre 2000 et la chute de Milosevic, ce fut
"le couronnement de la lutte d'une génération"
sur les cicatrices d'un pays encore marqué par les bombardements de l'Otan, qui mirent fin à la guerre au Kosovo, et une économie en ruine.
Pour moi, le 5 octobre c'est avant tout un symbole - la preuve que même le plus dur des régimes peut tomber si le peuple s'unit, s'organise et n'abandonne pas la lutte non violente.
Chez Otpor, la résistance pacifique était teintée d'humour et maniait la satire contre un régime dont plusieurs responsables ont été accusés de crimes de guerre et de génocide.
Comme lorsque le mouvement a installé en plein centre de Belgrade, la capitale, un baril en métal flanqué d'un portrait de Slobodan Milosevic que tout un chacun était invité à aller frapper avec une batte. Plusieurs personnes faisaient la queue lorsque la police est intervenue pour l'enlever.
"C'est ce genre d'action qui fendille la peur et redonne aux gens un sentiment de pouvoir. Et plus le régime s'agace, plus il multiplie les erreurs".
Le prix à payer fut à la hauteur de l'énervement ainsi provoqué.
"Otpor est devenu l'ennemi numéro un de Milosevic"
, rappelle Srdja Popovic. Plus de 2.500 membres de l'organisation ont été arrêtés en 2000. Beaucoup furent frappés et torturés.
Après la chute de Milosevic, les premières élections libres depuis la Deuxième Guerre mondiale portent au pouvoir Zoran Djindjic.
"Les années 2000 - 2003, ce fut vraiment la renaissance de la Serbie. Trois années qui ont sorti le pays d'un abîme économique et diplomatique, rétabli des élections libres et redonné espoir aux gens",
analyse Srdja Popovic.
"Un espoir qui a porté le pays jusqu'à l'assassinat"
du Premier ministre par des membres d'une unité spéciale de la police liée au crime organisé et aux services secrets, le 12 mars 2003.
Moins de cinq ans après, le parti de Slobodan Milosevic, mort en prison en 2006 à La Haye, où il était accusé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de génocide et de crimes contre l'humanité, et certains de ses plus proches collaborateurs étaient de retour au pouvoir dans des gouvernements de coalition.
Un quart de siècle plus tard, Aleksandar Vucic, l'ancien ministre de l'Information de Milosevic, est président et fait face à une nouvelle vague de manifestations.
"Aurais-je pu imaginer un tel scénario en 2000 ? Honnêtement, à l'époque, nous - évidemment naïvement - pensions ouvrir un plus long chapitre de normalité",
reconnaît Srdja Popovic.
Celui qui enseigne la résistance non violente à travers le monde voit la nouvelle génération de manifestants serbes comme
dont certains symboles lui rappellent Otpor.
La façon dont ils organisent, à chaque manifestation, 16 minutes de silence à la mémoire des 16 morts dans l'accident de Novi Sad, est devenue
"aussi connue que le poing serré l'était à la fin des années 1990".
Les deux générations ont aussi dû faire face à la répression, aux mêmes accusations d'être des agents payés par l'étranger...
Mais une chose, pour lui, est claire.
Ces onze mois de manifestations ont fendu la peur et l'apathie qui pesait sur une partie de la société. Et ce n'est pas rien.
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