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JO 2024 de Paris: colère des bouquinistes des quais de Seine

Les bouquinistes des quais de Seine sont dans l'incompréhension et la colère contre la décision de la Mairie de Paris et de la Préfecture de police de déplacer leur activité et d'enlever leurs "boîtes vertes" à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris qui se tiendront à l'été 2024.

12:21 - 2/10/2023 Pazartesi
MAJ: 12:33 - 2/10/2023 Pazartesi
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Crédit photo: MIGUEL MEDINA / AFP
Crédit photo: MIGUEL MEDINA / AFP

Un correspondant d'Anadolu présent sur place, a pu constater des femmes et des hommes qui tiennent plus de 200 librairies à ciel ouvert, près du Pont neuf, dans le centre historique de la capitale française, sont déterminés à faire valoir leurs droits et à préserver cette activité culturelle qui participe singulièrement au charme de la ville.


En effet, depuis près de 450 ans, ces librairies regorgent d'un véritable trésor littéraire et attirent des visiteurs français comme étrangers pendant toute l'année.


Cependant, la préfecture de police de Paris et la mairie de la ville évoquent un risque sécuritaire à l'occasion de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques (JO), qui aura lieu sur la Seine le 26 juillet 2024, notamment d'attentat terroriste, que pourrait accroître la présence de plus de 600 boîtes vertes sur environ un kilomètre des Quais de Seine.

Selon la préfecture de police,
"l’enlèvement des boîtes installées sur les quais s’avérera indispensable pour des raisons de sécurité"
.

Comme solution transitoire, la Ville de Paris propose d’organiser, le temps des JO, un
"Village des bouquinistes, dans un quartier littéraire proche de la Seine"
, probablement à la place de la Bastille
. La mairie propose une prise en charge de l’enlèvement et de la repose de toutes les boîtes.

"J'ai des chaînes et des menottes"


Interrogé par Anadolu, Julien, qui a commencé le métier de bouquiniste il y a moins d'un an, souligne son incompréhension et son désaccord.


"Je ne crois toujours pas à cette décision de la mairie, je pense que ça ne va pas se passer, parce que je pense qu'elle sous-estime ce qu'il faut déployer comme moyens pour déplacer plus d'un kilomètre de boîtes qui sont sur le même mur depuis plus de 150 ans"
, déclare-t-il.

"Je pense qu'ils sous-estiment aussi notre volonté, nous qui travaillons sur les quais depuis des années et des années. J'ai impression qu'ils ont oublié que ça fait partie du patrimoine culturel. Donc, pour moi, c'est perdu d'avance cette histoire. Je pense qu'ils vont effectivement nous faire fermer, sans indemnité probablement, parce que nous sommes des paysans et des gueux pour eux, mais pour retirer les boîtes... impossible!
", affirme Julien.

Et le jeune bouquiniste de souligner:


Toute façon, je le dis depuis le début: si jamais ils touchent aux boîtes, moi, j'ai des chaînes et des menottes. Je les prends, je m'accroche au-dessus, les boîtes n'iront nulle part.

"Ils veulent nous mettre à Bastille et faire ce qu'ils appellent le « Village des bouquinistes », où ils mettraient des tentes blanches avec des tables blanches et nous pourrions poser nos livres là et les gens viendraient acheter. Il s'agit probablement de l'alternative la plus ridicule que j'ai entendue jusqu'à présent pour régler les problèmes de boîtes sur les quais de Seine pendant les Jeux olympiques,"
estime Julien.

"Personne n'est d'accord avec ça, et quand je dis 'personne", c'est personne: les Parisiens ne sont pas d'accord avec la décision d'enlever les boîtes, les gens qui habitent en province ne sont pas d'accord, les touristes étrangers ne sont pas d'accord, même les gens qui travaillent à la mairie ne sont pas d'accord. Il n'y a littéralement personne qui soit d'accord. Les bouquinistes ne sont pas d'accord évidemment.

Personne n'est d'accord avec ça, pas une seule personne.

"Et je pense que le village des bouquinistes pourrait marcher pour nous, car, par peine pour nous, les gens viendraient au village nous acheter des bouquins. Mais, quand vous voyez les boîtes vertes le long des quais, la Seine, l'Hôtel de ville, Notre-Dame de Paris, etc".

"À Bastille, qu'y a-t-il ?!, des véhicules, des drogués... ce n'est pas là que nous sommes censés être, et les bouquinistes, ce n'est pas ça. Les bouquinistes, ce sont les boîtes vertes sur les quais, et ça ne va nulle part, et ça reste comme ça
," conclut le jeune bouquiniste.

Même son de cloche pour Véronique qui exerce le métier de bouquiniste depuis 30 ans.


"On ne comprend pas bien cette décision. On ne nous a pas consultés. Nous ne sommes pas d'accord. Nous n'avons que ça comme emploi, donc si on nous enlève les boîtes, on n'a plus d'emploi. Ils peuvent très bien les sécuriser autrement qu'en les enlevant. On peut rester fermé pendant une semaine pour l'événement, mais pas les enlever. Après, nous n'avons plus de travail,"
déplore-t-elle.

"Enlever les bouquinistes, c'est comme enlever la Tour Eiffel. Et pourquoi? Si c'est pour la sécurité, il y a d'autres moyens de le faire"
, estime Véronique.

Des passantes en colère


Alors que le correspondant d'Anadolu interroge Ghislaine, bouquiniste, elle aussi, depuis 30 ans, deux passantes prennent part à la conversation et expriment leur colère.


"Nous ne sommes pas parisiennes, nous sommes du sud de la France, et à chaque fois que nous venons à Paris, nous venons voir les bouquinistes"
, expliquent-elles avant d'exprimer leur opposition à la décision de déplacer les bouquinistes pendant au moins une semaine des Jeux olympiques 2024 de Paris.

"On enlève des trucs qui durent depuis des années, pour des Jeux olympiques qui coûtent une blinde à tout le monde, et qui sont éphémères... Le sport, c'est bien, mais il ne faut quand même pas exagérer: ça ne remplacera jamais les bouquinistes"
, estiment-elles avant de préciser ce que Paris aurait à perdre si la décision devait s'appliquer. Et de dire tout en désignant Ghislaine:

Les bouquinistes, c'est l'âme de Paris, la culture de Paris! Les Jeux olympiques, ce n'est pas la culture de Paris, et c'est leur vie.

"C'est la vie de Paris. On enlève la vie de personnes pour un événement éphémère, qui coûte une blinde à tout le monde, surtout aux contribuables"
, ajoutent-elles, avant de préciser qu'elles viennent de signer une pétition
"pour que les bouquinistes puissent rester. Et surtout, qu'ils reviennent après les Jeux olympiques"
.

"S'il n'y a pas les bouquinistes à Paris [...] je ne viens plus à Paris"
, disent-elles avec une colère empreinte d'humour.

Pour sa part, Ghislaine déclare comprendre le problème sécuritaire que peut créer la présence de boîtes vertes sur les quais de Seine, mais elle s'oppose à la méthode proposée par les autorités.


"Nous faisons des saisons et le monde entier vient ici [en dehors de la période des] Jeux olympiques. Nous avons beaucoup de touristes. Donc, ce n'est pas une question d'argent seulement. Une fermeture qui risque de durer très longtemps ou un retrait des boîtes sur une durée indéfinie pour le moment, ça va être un gros problème. Donc, ce que nous voulons, c'est maintenir nos boîtes sur les parapets, éventuellement un certain temps"
.

"Et, éventuellement, ils pourraient les emballer et pourquoi pas s'en servir de [support pour les] sponsors puisqu'ils ne veulent pas de notre présence"
, déclare-t-elle, soulignant l'extrême difficulté technique à déplacer les boîtes historiques et anciennes et de les réinstaller sur les quais en conservant leur état d'origine.

Juliette, une autre bouquiniste interrogée par Anadolu résume ainsi sa position face à la décision
"lamentable"
des autorités.

"Cela fait, je ne sais pas combien de temps que les bouquinistes sont ici, ça fait partie de la culture française, de l'image de Paris"
, fait-elle valoir avant de souligner ses exigences.

"Il faut déjà qu'on ait une certitude de pouvoir revenir, et en plus, il faut qu'on soit défrayé, mais on ne peut pas déplacer les boîtes, ce n'est pas possible"
, conclut-elle.

Dans l'état actuel, les discussions se poursuivent entre les représentants des bouquinistes, la préfecture de police, la Ville de Paris, et la mairie du Vᵉ arrondissement.


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