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Mali: le rétrécissement progressif de l'espace civique inquiète

Au Mali, le renversement du pouvoir par les militaires a marqué le début d'une nouvelle ère de renforcement tant au niveau national qu'international. Mais le rétrécissement progressif de l'espace civique au pays, caractérisé par l'arrestation de leaders et la dissolution d'organisations inquiète de plus en plus.

La rédaction
12:47 - 19/03/2024 mardi
MAJ: 11:23 - 21/03/2024 jeudi
Yeni Şafak
L'imam malien influent, Mahmoud Dicko, qui a été le fer de lance des manifestations antigouvernementales de masse l'année dernière, a averti le 28 novembre 2021 que "les choses ne vont pas bien" dans l'État du Sahel, adressant une rare réprimande à l'homme fort, le colonel Assimi Goita.
Crédit Photo : FLORENT VERGNES / AFP (archive)
L'imam malien influent, Mahmoud Dicko, qui a été le fer de lance des manifestations antigouvernementales de masse l'année dernière, a averti le 28 novembre 2021 que "les choses ne vont pas bien" dans l'État du Sahel, adressant une rare réprimande à l'homme fort, le colonel Assimi Goita.

Les orientations nouvellement définies par la transition ont permis au pays de reconquérir une grande partie du territoire autrefois sous l'emprise d'organisations terroristes ou de mouvements rebelles. La dernière avancée significative dans cette reconquête remonte au mois de novembre, avec l'entrée historique de l'armée à Kidal, une ville du nord auparavant contrôlée par les rebelles de la Coordination des mouvements de l'Azawad.


Bien que des progrès notables aient été accomplis dans la lutte contre le terrorisme, on observe néanmoins un rétrécissement progressif de l'espace civique au Mali, caractérisé par l'arrestation de leaders et la dissolution d'organisations qui expriment des opinions divergentes par rapport à la transition.

Adama Diarra, également connu sous le nom de Ben Le Cerveau, qui avait soutenu ouvertement la transition dès ses débuts, en a fait les frais. Le chef du mouvement "Yéréwoulo, debout sur les remparts" a été arrêté en 2023 pour avoir pressé les autorités maliennes d'organiser les élections dans les délais prévus, afin d'éviter de nouvelles sanctions de la part de la Cédéao contre Bamako, après celles consécutives au coup d'État militaire de mai 2021. Il a été condamné à une peine d'un an, dont six mois de prison ferme.


Après avoir purgé sa peine, Ben Le Cerveau a été maintenu en détention, suite à une nouvelle plainte déposée par l'organisation "Collectif pour la Défense des Militaires", alléguant des critiques enregistrées à l'encontre des autorités militaires en place. Cependant, le premier activiste poursuivi pour avoir critiqué la transition était Mohamed Youssouf Bathily, alias Ras Bath, arrêté en mars 2023 pour avoir qualifié de
"meurtre"
la mort en prison de l'ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga.

En plus des arrestations ciblées d’activistes pour leurs opinions divergentes, on assiste à une série de dissolutions d'organisations. Le Parti socialite-démocrate (PSDA), présidé par Ismaël Sacko, a été dissous dès juin 2023 après avoir critiqué la transition. En décembre de la même année, l'Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance a subi le même sort, suite aux déclarations de son président, Oumar Sangho, contestant la légitimité du référendum de juin dans la région de Kidal et affirmant que l'élection présidentielle de février devrait se dérouler comme prévu.


Les autorités maliennes ont reporté la Présidentielle de février, invoquant l’adoption d’une nouvelle constitution et un litige avec une société française du nom de "IDEMIA" impliquée dans le processus au niveau du Recensement administratif à vocation électorale (RAVEC).

La répression s’est également élargie aux mouvements associatifs. Le Parti africain pour la démocratie et l'indépendance du Dr Oumar Mariko a été dissous après que son leader a dénoncé des exactions militaires à Moura, dans le centre du pays, et critiqué la reconquête de Kidal, qu'il considère comme une violation de l'Accord d'Alger. De même, l'association Kaoural Renouveau a été contrainte de cesser ses activités pour des propos jugés subversifs envers les autorités de transition.


La Coordination des mouvements, association et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS) a également été visée par des accusations similaires lors du Conseil des ministres du 6 mars. Pour les autorités maliennes, cette association représente un
"organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique"
. Elles reprochent en particulier à l'Imam Dicko ses
"activités subversives susceptibles de perturber l'ordre public"
, notamment ses récentes visites à l'étranger et ses rencontres avec des personnalités étrangères sur des questions d'intérêt national, sans l'autorisation des autorités maliennes.

Il convient de rappeler que la transition malienne avait vivement protesté contre l'audience accordée par le président algérien Abdelmadjid Tebboune à l'Imam Dicko. Cette situation a entraîné une détérioration significative des relations diplomatiques entre les deux pays, au point de conduire les autorités maliennes à mettre un terme à l'Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d'Alger, signé avec des mouvements irrédentistes du nord en 2015. Alors que l'Imam Dicko prolonge son séjour en Algérie, ses proches dénoncent une campagne orchestrée par les militaires à son encontre.


Les restrictions croissantes des droits humains et des libertés fondamentales ont suscité une réaction du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, appelant les autorités maliennes à permettre aux organisations dissoutes de reprendre leurs activités et à protéger l'espace civique, conformément aux lois nationales et aux obligations internationales en matière de droits humains.

Dans son dernier rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali, l’expert indépendant de l’Onu, Alioune Tine estime que cette question englobant aussi bien les droits civils et politiques est
"restée préoccupante"
durant la période allant de du 4 avril au 30 novembre 2023. Cependant, il faut préciser que ces violations des droits humains sont essentiellement l’œuvre des groupes extrémistes. Bamako continue de réfuter les accusations des organisations de défense des droits humains.

Par SOULEYMANE FALL

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