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Ouzbékistan: un référendum constitutionnel pour renforcer le président

L'Ouzbékistan organise dimanche un référendum constitutionnel, qui permettra notamment au président Chavkat Mirzioïev de demeurer à la tête de cette ex-république soviétique, la plus peuplée d'Asie centrale, où des manifestations ont été réprimées dans le sang l'an dernier malgré une volonté affichée d'ouverture.

13:54 - 30/04/2023 Sunday
AFP
Lors du vote ce matin en Ouzbékistan. Crédit Photo: Temur ISMAILOV / AFP
Lors du vote ce matin en Ouzbékistan. Crédit Photo: Temur ISMAILOV / AFP

Les bureaux de vote fermeront à 20h00 heure locale (15H00 GMT) et la participation était de 35,13% trois heures après leur ouverture, selon la Commission électorale ouzbèke.


Si les autorités soutiennent que la modification des deux tiers de la Constitution permettra de démocratiser et d'améliorer le niveau de vie des 35 millions d'habitants de l'Ouzbékistan, aux droits longtemps bafoués par un régime répressif, le président Mirzioïev, qui a voté avec sa famille, en sera le principal bénéficiaire.


Parmi les principales mesures, figurent en effet le passage du quinquennat au septennat et la remise à zéro des deux mandats présidentiels, ce qui permettra en théorie à l'actuel chef de l'Etat, âgé de 65 ans, de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2040.

L'adoption du texte ne fait aucun doute après une campagne à sens unique dans un Etat où la presse est toujours largement contrôlée.


Le pouvoir s'est malgré tout employé à légitimer cette nouvelle Constitution, en mobilisant des célébrités locales pour louer les mérites du texte et du président Mirzioïev, qui veut propulser son pays dans une nouvelle ère de développement, de rester au pouvoir pendant de grandes manifestations et des concerts.


Sur les panneaux publicitaires de la capitale Tachkent, la plus grande ville d'Asie centrale, s'affichent des conversations imaginaires par SMS incitant les électeurs à participer au scrutin, comme
"Papa, on va au parc ? Non, d'abord on va voter".

"Nouvel Ouzbékistan"


Cette stratégie semble fonctionner.
"La nouvelle Constitution va changer ma vie mais je ne sais pas vraiment en quoi",
reconnaît Chamsiddine Jouraïev, un entrepreneur de 40 ans rencontré par l'AFP à Tachkent.

Mais la perspective de voir le président Mirzioïev s'accrocher au pouvoir crispe certains, comme Nourkamil, un retraité de 70 ans qui ne souhaite pas donner son nom de famille et estime que
"tout est fait pour que le président reste au pouvoir à vie".

"C'est mauvais, il faut une alternance au pouvoir. Bien sûr, il a mis en place des réformes et essaie de faire changer les choses (...) mais notre pouvoir copie le système du président russe Poutine. Ils ne sont pas éternels, il faut respecter son peuple",
regrette-t-il.

Pour Olivier Ferrando, enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lyon (France), cette révision constitutionnelle est la
"mesure phare"
du président Mirzioïev dans son
"effort d'émancipation"
de l'héritage de son prédécesseur Islam Karimov.

Ce dernier est mort en 2016 après avoir régné de façon brutale pendant un quart de siècle. M. Mirzioïev a été son fidèle Premier ministre pendant treize ans mais il s'efforce de présenter un visage plus moderne.


"Si beaucoup d'analystes perçoivent, à raison, une tentative de maintien au pouvoir de Mirzioïev, il serait dommage de réduire le texte à une dérive autoritaire",
nuance M. Ferrando pour l'AFP.

Contestation réprimée


Parmi les nouveautés, l'interdiction de la peine de mort et le respect des droits humains sont constitutionnalisés dans ce "Nouvel Ouzbékistan" plus juste que vante M. Mirzioïev.

"
Reste à savoir bien sûr si cette révision constitutionnelle, dont l'un des objectifs est de donner des garanties à la communauté internationale sur le développement démocratique du Nouvel Ouzbékistan, saura dépasser le simple effet cosmétique pour trouver une pleine application dans la vie quotidienne des citoyens",
poursuit M. Ferrando.

Ces citoyens justement, en majorité jeunes, sortent d'un hiver particulièrement rigoureux marqué par d'importantes coupures de gaz et doivent faire face à une pauvreté persistante et une corruption endémique.


Malgré les progrès économiques et les avancées sociales, comme la criminalisation de la violence domestique ou la fin du travail forcé des enseignants, le pouvoir reste autoritaire.


En juillet 2022 dans la république du Karakalpakstan, des manifestations contre un amendement constitutionnel, depuis retiré, qui aurait réduit l'autonomie de cet immense territoire pauvre du nord de l'Ouzbékistan, ont été réprimées dans le sang.


Selon les autorités, 21 personnes ont été tuées et plus de 40 ont déjà été condamnées à la prison ferme.


Interrogés par l'AFP, deux journalistes de médias étatiques assurent sous couvert d'anonymat avoir
"reçu des consignes pour couvrir de manière positive l'Ouzbékistan, le référendum et le président"
et constatent un renforcement de la censure à l'approche du scrutin.

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1 year ago