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Indonésie: la dépendance au charbon perdure malgré les promesses

Sania est assise devant sa maison de Suralaya, en Indonésie, située à moins d'un kilomètre de la plus grande centrale à charbon d'Asie du Sud-Est, dont les cheminées émettent une fumée grise foncée et étouffante.

La rédaction
16:43 - 26/12/2023 Salı
MAJ: 17:24 - 26/12/2023 Salı
AFP
Une photo, prise le 31 octobre 2023, montrant la centrale électrique au charbon de Suralaya à Cilegon, dans la province de Banten en Indonésie.
Crédit Photo : RONALD SIAGIAN / AFP
Une photo, prise le 31 octobre 2023, montrant la centrale électrique au charbon de Suralaya à Cilegon, dans la province de Banten en Indonésie.
Alors que deux nouvelles unités doivent entrer en service, l'Indonésienne de 37 ans se dit
"très inquiète"
. "
Je nettoie déjà le sol deux à trois fois par jour. Le bruit me fait mal à la tête et l'odeur est horrible. Si les nouvelles unités commencent à fonctionner, la poussière ici sera bien pire",
confie-t-elle.

À la COP28 qui s'est tenue à Dubaï, l'avenir du charbon et son fort impact sur le réchauffement climatique figurent en bonne place.


Certains estiment que l'ère de ce combustible fossile est définitivement révolue, et bien que l'Indonésie soit le principal exportateur mondial et l'un des principaux producteurs, le pays s'est engagé à le délaisser à long terme.


Mais malgré les promesses, l'archipel a porté de 8 à 10 le nombre d'unités de sa centrale de Suralaya, à une centaine de km de Jakarta. Et prévoit même de construire de nouvelles centrales au charbon pour alimenter son industrie du nickel, matériau clé pour les véhicules électriques en plein essor.


À ce propos, Sania ajoute:


Cela fait vraiment peur. Je veux déménager si possible, car notre maison est trop proche de la centrale.

Malgré les engagements, de nombreuses failles permettent à l'Indonésie de poursuivre l'expansion des centrales au charbon, dont elle dépend fortement pour sa production d'électricité.


Le pays a signé un Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) en novembre, obtenant ainsi un financement de 20 milliards de dollars provenant de pays riches et de la Banque mondiale.

Ce plan doit lui permettre d'atteindre le niveau zéro émission pour son secteur énergétique d'ici 2050 et d'augmenter la part des énergies renouvelables dans sa production électrique à 44% d'ici 2030.

Or, le chemin sera long car l'énergie solaire et éolienne représentent chacune actuellement moins de 1% de son mix énergétique.


10.500 décès par an


En outre, la promesse de fermer progressivement les centrales à charbon exclut celles dites
"captives"
, qui alimentent directement l'industrie et ne sont pas connectées au réseau public.

Ces centrales produisent plus de 13 gigawatts (GW) et 18 GW supplémentaires sont prévus, selon l'Institut pour la réforme des services essentiels "
Institute for Essential Services Reform"
(IESR), basé à Jakarta.

L'Indonésie attribue une importance cruciale à ces centrales pour soutenir son rôle central dans le développement des véhicules électriques, car elles fournissent l'énergie nécessaire aux fonderies chargées du traitement du nickel.


"
Il existe un problème majeur autour des centrales électriques captives au charbon en Indonésie, qui risque de faire dérailler ou ralentir le processus du JETP"
, estime Leo Roberts, du groupe de réflexion sur le climat E3G.

Interrogés par l'AFP, le gouvernement indonésien, le secrétariat du JETP, et la compagnie d'électricité publique PLN ont décliné toute déclaration.


Pour Hendra Sinadia, directeur de l'association des groupes charbonniers indonésiens, tenter de faire renoncer l'Indonésie aux énergies fossiles serait une erreur.


"Le charbon est la richesse naturelle de l'Indonésie (...) et reste la source d'énergie la plus utilisée pour stimuler le développement des fonderies, ce qui nous permet de devenir l'un des principaux acteurs de l'écosystème des véhicules électriques"
, estime-t-il.

De plus, choisir de les fermer, outre un manque à gagner important pour des infrastructures encore récentes,
"ne serait pas une décision sage car le charbon demeure la source d'énergie la moins onéreuse, la plus fiable et la plus accessible"
, ajoute Hendra Sinadia.

Pour les défenseurs de l'environnement, cette vision oublie le fort impact du charbon sur le réchauffement planétaire et ses graves conséquences sanitaires.


Selon le Centre de recherche sur l'énergie et la pureté de l'air, les émissions des centrales au charbon ont causé 10.500 décès en Indonésie en 2022.

"Cette image d'énergie 'bon marché' ne prend pas en compte les coûts externes dus aux dommages environnementaux et aux impacts sur la santé"
, souligne Bondan Andriyanu, chercheur à Greenpeace.

Les pêcheurs travaillant près de la centrale de Suralaya se lamentent:
"Il n'y a plus de prises dans les eaux proches du rivage. Il faut naviguer loin"
, indique à l'AFP Hawasi, 55 ans.

Selon l'IESR, l'Indonésie devrait réduire de 9 GW d'ici 2030 sa production d'électricité provenant de centrales au charbon afin de respecter ses engagements du JETP. Cependant, une étude du ministère de l'Énergie suggère une réduction moindre, soit de 4,5 GW d'ici 2030.

Le directeur général de la compagnie d'électricité PLN, Darmawan Prasodjo, a récemment annoncé une augmentation de 31,6 GW des capacités d'énergie renouvelable d'ici 2033. Cependant, elles devraient principalement répondre à l'augmentation de la demande, tandis que les centrales au charbon continueront à fournir l'essentiel des besoins jusqu'à la fin de leur durée de vie programmée.


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