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Les bibliothèques, nouveaux "refuges" des migrants en France

Dans leurs espaces baignés de silence, nul besoin d'argent ou de papiers pour s'installer: nombre de migrants en France, parfois sans-abri, souvent précaires, trouvent "refuge" à bas bruit dans les bibliothèques municipales, en "première ligne" de l'accueil des exilés. 

14:46 - 28/06/2023 mercredi
AFP
Des migrants trouvent "refuge" dans une bibliothèque de Rennes, en France. Crédit Photo: AGNES COUDURIER / AFPTV / AFP
Des migrants trouvent "refuge" dans une bibliothèque de Rennes, en France. Crédit Photo: AGNES COUDURIER / AFPTV / AFP
Oday Morii, Syrien de 18 ans, est l'un d'eux. Affalé dans un fauteuil, le jeune homme arrivé l'an dernier en France est absorbé par la lecture... de messages sur son smartphone, qu'il est venu recharger comme
"tous les jours"
à l'étage de la bibliothèque des Champs Libres, à Rennes, dans l'ouest de la France. 

"C'est mieux que d'être dehors. Ils ne demandent pas les papiers, pas d'argent, ils veulent juste nous aider",
résume pour l'AFP son voisin libyen Faraj Elareibi, tout juste majeur.

L'adresse lui a été conseillée par un assistant social dès son arrivée en France l'an dernier, lorsqu'il était hébergé dans un hôtel social comme mineur isolé. 


Désormais, il vit dans un centre d'accueil à Bréal-sous-Montfort, en banlieue de Rennes, mais continue de prendre le bus pour revenir à la bibliothèque.


"Au début, ça a été très difficile"
en France, explique le longiligne Libyen, cheveux tenus en chignon.

Ici je me sens bien et je m'améliore en français.

Hall de gare


Combien sont-ils, à trouver dans les bibliothèques un havre pour rompre l'isolement et pallier la saturation des dispositifs d'accueil ? 


Difficile à quantifier, mais ces structures sont
"devenues de véritables lieux refuges où on se sent en sécurité, ce qui n'est pas rien quand on est à la rue",
observe Patrick Weil, président de l'association Bibliothèques sans frontières (BSF), qui forme désormais les bibliothécaires à cet accueil. 

"Les bibliothèques se sont retrouvées en première ligne",
abonde la responsable du projet chez BSF, Ana Hours:
"Quel autre service public culturel est gratuitement accessible, avec un tel maillage territorial, chauffé
(l'hiver)
, avec un accès aux sanitaires, où on peut recharger son téléphone ?" 

"On est un peu comme un hall de gare, en mieux",
plaisante Hélène Certain, responsable de la politique d'accueil aux Champs Libres, immense bibliothèque sur six étages.

Aussi loin qu'elle se souvienne, son institution a
"toujours vu"
des migrants s'installer. Son espace dédié aux adolescents est désormais fréquenté
"à moitié par des jeunes qui ne parlent pas français". 

Et les Champs Libres proposent désormais une aide aux démarches administratives, une collection de livres en
"français facile"
et, surtout, des ateliers de français,
"une demande très forte",
explique-t-elle.

Ces cours, l'Afghan Hamiddullah Rahimi ne vient
"que pour ça",
comme une quarantaine d'autres exilés ce jour-là.

Après seulement trois mois en France et à force d'assiduité, Hamiddullah arrive déjà à se
"débrouiller pour acheter un billet de train".
Généralement en direction des plages du Morbihan (ouest), où il aide bénévolement à ramasser les déchets. 

"Bulle" pour enfants


En Afghanistan, le demandeur d'asile de 28 ans n'avait jamais été scolarisé. Aujourd'hui, l'apprentissage lui semble vital
"pour la tête". "Sans ça, ça n'irait pas",
insiste-t-il, exhibant fièrement sa carte de bibliothèque, la première qu'il a jamais possédée en France. 

Évidemment, en ces lieux où le silence est roi, quelques
"conflits d'usage"
peuvent survenir, euphémise Éric Derouene, coordinateur des ateliers de français. 

Mais cet accueil est plébiscité et le modèle essaime déjà notamment à Paris.


Le Centre d'action sociale protestant (Casp), par lequel transitent près de 12.000 exilés par an, s'est ainsi doté de sa propre
"micro-bibliothèque",
une
"bulle"
offerte aux enfants pendant que les parents font leurs démarches, se félicite Anne Babout, directrice de l'asile au Casp. Et d'expliquer:

Avant, les parents racontaient les raisons de leur exil avec les enfants sur les genoux.

La pièce, avec ses tables de coloriages et ses livres sans texte, est une bénédiction pour Aïssatou Sissoko: en laissant sa fille, cette Malienne de 26 ans a pu formuler seule sa
"demande de protection pour excision". 

Autre vertu, reprend Anne Babout, l'initiative permet de dépasser les
"besoins primaires".
"On a des demandes d'inscription à la bibliothèque municipale, au centre de loisirs",
se réjouit-elle.
"Ces gens, tout à coup, s'autorisent à penser à autre chose qu'à leur situation administrative."

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