|

L'écrivain du réel pris dans un dossier sordide d'assassinat

Le journaliste belge Chris de Stoop était déjà un écrivain du réel reconnu quand il s'est retrouvé pris dans un dossier judiciaire sordide: l'assassinat de son oncle, qui lui a fait écrire un ouvrage impressionnant.

11:24 - 14/05/2023 Pazar
MAJ: 17:32 - 14/05/2023 Pazar
AFP
Chris de Stoop, lors de la présentation de son livre "True Stories" en juin 2022. Crédit photo : Sa page facebook (archive)
Chris de Stoop, lors de la présentation de son livre "True Stories" en juin 2022. Crédit photo : Sa page facebook (archive)

"Le Livre de Daniel", par cet ancien grand reporter flamand de 65 ans, est paru début mai aux éditions Globe, deux ans et demi après la version en néerlandais.


C'est un récit qu'il aurait préféré ne jamais écrire.


"J'étais vraiment choqué, bouleversé"
par cet homicide, dit l'auteur à l'AFP lors de la promotion du livre à Paris.

Un jour, un notaire de Mouscron me dit: vous êtes héritier d'une ferme, mais la ferme a été incendiée et votre oncle est mort.

"J'ai appris l'histoire après et n'ai jamais osé la raconter à ma mère",
ajoute-t-il.

Près de Mouscron, ville ouvrière belge limitrophe de Tourcoing en France, dans le village de Saint-Léger, cet oncle, Daniel Maroy, 84 ans, a été tué en mars 2014.
Il a succombé à deux agressions à son domicile extrêmement violentes, dans le but de le dépouiller de milliers d'euros en liquide.

Cinq hommes âgés à l'époque de 18 à 21 ans, trois Français et deux Belges, ont été condamnés par la justice belge. Leurs peines allaient de cinq à quinze ans de prison.


"Un devoir moral"


De nombreux livres de journalistes ou écrivains racontent en détail un fait divers sanglant. Certains sont devenus des classiques, comme "De sang froid" de Truman Capote, ou "L'Adversaire" d'Emmanuel Carrère.


Mais "Le Livre de Daniel" fait exception, son auteur s'étant retrouvé acteur de cette affaire.


En tant que partie civile, non représenté par un avocat, il a interrogé les accusés lors du procès d'assises à Mons, en 2019. La procédure ne le permettrait pas en France.


"J'étais la seule partie civile, parce que Daniel n'avait ni frère, ni sœur, ni enfant, et ses neveux disaient: je suis trop vieux, j'habite trop loin...
", raconte Chris de Stoop.

"C'est comme si j'étais appelé. C'était un devoir moral. Je devais donner à la victime une voix, un visage, une histoire de famille, parce que j'avais lu dans le dossier comment il était traité, déshumanisé. Et c'est surtout ça qui choque: le manque total d'empathie",
poursuit le journaliste, devenu ensuite agriculteur.

Daniel Maroy, éleveur à la retraite toujours resté célibataire, vivait dans des conditions particulièrement rudes.


"Une vie rustique"


Il avait coupé les ponts avec sa famille dans les années 1990. Et quand son neveu s'est mis en quête d'une photo de lui présentable à montrer en cour d'assises, il n'en a pas trouvé de plus récente qu'un cliché de 1977. Dans leurs échanges par téléphone portable, ses bourreaux l'appelaient
"le crasseux".

L'auteur se rappelle
"un procès particulièrement intense. J'ai parfois dit que j'avais vécu le pire au Rwanda, où j'ai suivi le génocide pendant des semaines. Mais là, à Mons, face aux cinq accusés, dix avocats, dont le plus célèbre de Belgique, Dimitri de Beco, c'était presque la même chose. J'avais les jambes qui tremblaient".

Trois condamnés ont accepté de parler à Chris de Stoop ensuite. Il a changé les noms des cinq.
"J'ai dit, dans ma dernière réplique aux avocats, que j'espérais qu'ils pourraient encore faire quelque chose de bien de leur vie".

Le livre a jailli après le procès.
"J'avais tout en tête, j'avais étudié le dossier pendant des mois, j'avais rencontré des dizaines de personnes...",
explique l'ancien journaliste.
"Le livre s'est écrit d'un trait, automatiquement, en quelques mois".

Il a fait inscrire sur la pierre tombale de son oncle:
"Une vie rustique, une mort tragique".

À lire également :




#Chris de Stoop
#Le Livre de Daniel
#journaliste écrivain
#livres
1 yıl önce