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Albanie: la Cour constitutionnelle se penche sur l'accord migratoire avec l'Italie

La Cour constitutionnelle albanaise se penche jeudi à huis clos à Tirana sur l'accord négocié entre l'Albanie et l'Italie qui prévoit l'ouverture sur le sol albanais de centres d'accueil pour les migrants sauvés en mer dans les eaux italiennes.

La rédaction
15:34 - 18/01/2024 jeudi
MAJ: 17:10 - 18/01/2024 jeudi
AFP
Des migrants à bord d'un navire de la Guardia di Finanza, dans le port de l'île italienne de Lampedusa, le 15 septembre 2023.
Crédit Photo : ALESSANDRO SERRANO / AFP
Des migrants à bord d'un navire de la Guardia di Finanza, dans le port de l'île italienne de Lampedusa, le 15 septembre 2023.

L'accord signé entre Rome et Tirana prévoit la mise en place de deux centres d'accueil dans le port de Shengjin (nord), où se fera l'enregistrement des demandeurs d'asile, et d'un autre dans la même région où les migrants seront logés dans l'attente d'une réponse à leur demande d'asile.


Ces deux centres qui seront gérés par l'Italie, sur le territoire d'un pays qui ne fait pas partie de l'Union européenne (UE), pourront accueillir jusqu'à 3.000 migrants par mois, soit environ 36.000 par an, selon les estimations officielles.

L'opposition a saisi début décembre la Cour constitutionnelle, estimant que cet accord signé à Rome par la Première ministre italienne Giorgia Meloni et son homologue albanais Edi Rama
"viole la Constitution albanaise et renonce à la souveraineté du territoire de l'Albanie".

Pour l'opposition,
"cet accord qui devrait être autorisé au préalable par le président de la République, va également à l'encontre des normes internationales en matière de droits des migrants".

La droite albanaise accuse en outre le chef du gouvernement, le socialiste Edi Rama, de manque de transparence et de consultation sur l'accord.


Afin de prendre le temps d'étudier ce recours, la Cour constitutionnelle a suspendu les procédures de ratification de l'accord - le Parlement albanais, où les socialistes sont majoritaires, avait prévu de se réunir le 14 décembre.

Les juges ont jusqu'au 6 mars pour se prononcer, mais leur décision pourrait intervenir bien avant,
"vu l'intérêt de ce dossier aussi bien pour l'Albanie que l'Italie"
, affirment à l'AFP des sources au fait du dossier.

"Solidarité"


Selon les autorités albanaises, l'accord a été conclu en vertu de traités et de protocoles antérieurs conclus avec la République italienne dans ce domaine, et en conformité avec les normes juridiques internationales régissant les droits des demandeurs d'asile.


Dans une interview à l'AFP le ministre albanais de l'Intérieur, Taulant Balla, pour qui cet accord
"est entièrement fondé sur la Constitution albanaise"
a affirmé:

Nous ne vendons pas un morceau de terre de l'Albanie.

"Nous offrons ces terres à l'Italie comme nous le faisons habituellement lorsque nous établissons une ambassade"
, a-t-il ajouté, affirmant que les autorités italiennes allaient
"utiliser sans compensation les zones désignées"
, qui seront
"entièrement gérées par la partie italienne et selon la juridiction de l'État italien".

Le nombre de personnes tentant de rejoindre l'Europe via l'Italie a beaucoup augmenté l'an dernier - selon le ministère italien de l'Intérieur, 157.652 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes en 2023, contre 105.131 en 2022.


Les dépenses pour la construction de ces deux centres et des infrastructures nécessaires, pour leur fonctionnement, pour la sécurité, ainsi que pour les soins médicaux des demandeurs d'asile seront couvertes
"à 100% par la partie italienne"
, selon les autorités albanaises.

Les autorités italiennes seront aussi chargées du maintien de l'ordre dans les centres, et la police albanaise en sera responsable à l'extérieur et lors du
"transport des migrants d'une zone à une autre"
, selon la même source.

Le Premier ministre Edi Rama a qualifié l'accord de geste de
"solidarité"
avec l'Italie qui a ouvert ses portes à des milliers d'Albanais après la chute du régime communiste au début des années 1990. Au prix de traversées en mer périlleuses et d'une intégration parfois douloureuse.

L'ONG International Rescue Committee (IRC) a fustigé un accord
"déshumanisant"
, et Amnesty International a affirmé qu'il était
"illégal et inapplicable".

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