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France: Une famille franco-turque privée de ses petits-enfants placés

La rédaction
21:19 - 19/02/2024 lundi
MAJ: 21:22 - 19/02/2024 lundi
Yeni Şafak

Le témoignage exclusif d'une famille franco-turque confrontée au système de protection de l'enfance en France.

Pour Cengiz et Güner, un couple de cinquantenaires habitant dans le Jura, tout commence en 2015. Cette année, le couple, originaire de Tekirdag, en Thrace turque, doit faire face à l'abandon de leur fille par son ex-mari, après trois ans d’un mariage difficile. Une épreuve surtout douloureuse pour cette jeune femme qui a dû accoucher seule de son deuxième enfant, l’ex-mari étant partit s’installer en Allemagne.


Ne parvenant pas à dépasser le choc émotionnel subi, la jeune mère éprouve des difficultés à assumer seule ses enfants. Aussi, Cengiz et Güner, forts de leur expérience dans l’éducation de leurs enfants, prennent le relais et aident leur fille. C’est ainsi Cengiz qui ramène ses petits-enfants à l’école, tandis que Güner leur prépare à manger. Les enfants vont bien, grandissent normalement.


Jusqu’à un signalement aux services sociaux. Une procédure se met alors en marche en 2018, et la garde des enfants est retirée à la mère. Très tôt les grands-parents s’aperçoivent que leurs petits-enfants, vont de foyer en foyer, où ils vivent séparément. En 2019, les enfants sont placés en famille d’accueil. Cengiz et son épouse adressent donc, fin 2019, un courrier au Conseil départemental du Jura, dont Nouvelle Aube a eu copie, dans lequel le couple demande un agrément afin d’être une famille d’accueil pour ses petits-enfants. Sans succès.


Des enfants "très malheureux" qui veulent "rentrer à la maison"


Devant le refus essuyé et la lente procédure qui s’en suivi, une lettre fut envoyée au Garde des Sceaux, courant 2021. Dans ce courrier, que Nouvelle Aube a également consulté, il est fait état du fait que les enfants sont
“très malheureux”
et de leur désir de
“rentrer à la maison”.
Là encore, ce courrier ne produit aucun résultat.

Toujours en 2021, deux courriers de la même teneur ont été adressés au Président de la République, chacun rappelant la détresse des enfants. Le cabinet de la Présidence a bien voulu répondre qu’il fallait faire confiance en la justice. Mais aujourd’hui, Cengiz et Güner n’y arrivent plus. Ils veulent voir leurs petits-enfants.


“Pourquoi les confier à des étrangers ?”


Cengiz Durmus ne comprend pas pourquoi on le priverait de prendre le relais dans l’éducation de ses petits-enfants. Exemplaire, ce menuisier fils d’immigré turc a élevé ses enfants comme un bon père de famille, et s’occupait de ses petits-enfants lorsque sa fille est tombée en dépression.


“Pourquoi les confier à des étrangers plutôt qu’à la famille proche ?”
, s’interroge-t-il, pointant du doigt le
“traumatisme”
de ses petits-enfants qui ne voient plus leur famille et souhaitent
“rentrer à la maison”.

“Mes petits-enfants sont tout maigres. On dirait qu’ils ne mangent pas”,
renchérit-il. Cengiz et son épouse sont également inquiets à propos de l’éducation qui est donnée à leurs petits-enfants qui ont
“oublié leur langue d’origine, leur culture, leur religion”.

Crédit Photo : Nouvelle Aube / Nouvelle Aube
Photographie du dos d'un des enfants indiquant des signes de suspicions de maltraitance

Cengiz et son épouse sont décidés à se faire entendre. Pour eux, si la famille est capable de s’occuper des petits-enfants, il n’est ni raisonnable, ni concevable de les priver de leur famille.


Le scandale des placements abusifs


En octobre 2022, le documentaire "Familles d’accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés", diffusé par M6 dans l'émission Zone interdite, soulignait qu’environ
"170 000 enfants en danger sont placés à l’ASE dans des lieux où ils peuvent grandir en toute sécurité".

De nombreux acteurs se mobilisent contre ce qu’ils qualifient de
“placements abusifs”.
Parmi eux, on trouve d’anciens enfants placés, à l’instar de Lyes Louffok, qui décrivent leur vécu et leur traumatisme.

Mais également de nombreuses associations, comme
“L’enfance au cœur” ou “Rendez-nous nos enfants”. Pour ces associations engagées contre les placements abusifs, soustraire des enfants à leur milieu familial n’est jamais l’idéal et doit rester un cas d’extrême nécessité.

Elles dénoncent une mercantilisation du placement d’enfant, qui rapporterait en moyenne 7.000€ par mois et par enfant aux services sociaux.

De plus, pour ces associations, les enfants placés sont plus vulnérables que les autres. Outre le recensement de nombreux cas de maltraitance, elles affirment que les enfants placés abusivement sont majoritairement malheureux.


Aussi, elles estiment qu’un tiers des enfants placés deviennent SDF après leur placement.

Enfants placés, enfants en danger ?


Si les époux Durmus sont inquiets, c’est qu’ils ont eu vent des nombreux cas de maltraitance chez les enfants placés. En France, on dénombre plusieurs dizaines de reportages ainsi que plusieurs ouvrages rapportant des abus de toutes sortes sur les enfants placés.


Parmi ces documentaires, on peut citer "Enfants placés, les sacrifiés de la République", réalisé par Sylvain Louvet et présenté dans l'émission Pièces à conviction. Celui-ci met en lumière le parcours chaotique d’enfants placés. Il témoigne d’épisodes traumatisants, dont des agressions sexuelles.


Le documentaire dévoile également une lettre publique rédigée par des éducateurs d'un foyer à Eysines en Gironde, dénonçant les abus et les violences dont sont victimes les enfants placés.


Malgré les alertes répétées des éducateurs auprès de la direction de l'établissement, du Conseil Départemental et de l'Agence Régionale de Santé (ARS), rien n'a été fait pour remédier à la situation.


Les témoignages des éducateurs démissionnaires démontrent une fréquence des abus sexuels, avec trois à quatre cas signalés par semaine, ainsi que la cohabitation des victimes et des agresseurs dans les mêmes structures.


Des éducateurs affirment même que certains enfants sont plus en danger dans ces foyers que dans leur propre famille.

C'est l'avis de Cengiz et Güner qui font tout ce qui est en leur possible pour récupérer leurs petits-enfants.


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