Le grand dilemme du CHP ou forcer le destin vers une impasse

12:5525/03/2025, mardi
İhsan Aktaş

Imamoglu a poussé son destin vers l’impossible. Dans les États occidentaux, un processus similaire avait déjà commencé plus tôt. Dans l’Empire ottoman, il existait une époque que l’on appelait kaht-ı rical, c’est-à-dire une période de "pénurie d’hommes d’État" : on ne formait plus de véritables hommes d’État, et ceux qui étaient compétents n’arrivaient pas au pouvoir. On peut résumer cela ainsi. Il y a environ dix ans, j’étais modérateur lors d’un symposium international. Un intervenant venu d’Angleterre

Imamoglu a poussé son destin vers l’impossible. Dans les États occidentaux, un processus similaire avait déjà commencé plus tôt. Dans l’Empire ottoman, il existait une époque que l’on appelait kaht-ı rical, c’est-à-dire une période de
"pénurie d’hommes d’État"
: on ne formait plus de véritables hommes d’État, et ceux qui étaient compétents n’arrivaient pas au pouvoir. On peut résumer cela ainsi.

Il y a environ dix ans, j’étais modérateur lors d’un symposium international. Un intervenant venu d’Angleterre a déclaré :

"Aujourd’hui, les États occidentaux font face à une grave crise, car aucun pays européen ne compte de leader charismatique, mobilisateur, ou visionnaire. Si l’on exclut la Chine de l’équation, il n’existe en Europe aucun dirigeant de la trempe de Poutine, Trump ou Recep Tayyip Erdoğan."

Le point de vue de ce professeur britannique a été jugé digne d’intérêt par les autres intervenants, et a suscité des commentaires pertinents.


Aujourd’hui en Turquie, comme dans de nombreux pays européens, ceux qui font de la politique sont pour la plupart issus de la génération de 68. Cela vaut aussi bien pour les figures de gauche que pour celles du camp nationaliste. À cela s’ajoute une génération islamiste formée dans les années 1980-1990 dans les pays musulmans. Mais après cette vague, plus aucune structure politique organisée n’a su produire de leader.


Tandis que les mouvements politiques organisés traversaient une crise de leadership, dans des capitales européennes comme Paris ou Londres, les acteurs politiques des grandes villes sont devenus des figures naturelles de la scène politique nationale.


Notre président actuel, bien qu’il soit un homme politique charismatique, a mûri son expérience de leadership en combinant un discours politique structuré et son vécu à la tête de la municipalité d’Istanbul. Le fait qu’il porte une mission politique claire, une vision du monde bien établie, et qu’il incarne l’héritage d’un pays issu d’un empire, doit beaucoup à son expérience à Istanbul. En somme, il a dirigé une ancienne capitale impériale et en a assimilé les dimensions culturelles et diplomatiques.


Si l’on examine le congrès controversé du CHP et les enquêtes pour corruption en cours, une question se pose inévitablement :


Pourquoi une telle crise a-t-elle frappé le CHP ?

Est-il juste de parler de
"forcer le destin en montée"
? Je ne sais pas. Mais le contexte actuel en Europe et dans le monde fait qu’un maire peut rapidement devenir une figure centrale de la politique nationale. Si ce maire n’avait pas été obsédé par des calculs personnels, s’il n’avait pas forcé son destin pour sa propre carrière, il aurait probablement été le candidat du CHP à la présidentielle.

Istanbul est la ville la plus visionnaire du monde ; parmi toutes les capitales mondiales, elle est première en termes de symbole, et figure dans le top 10 en termes de taille. Son budget – en incluant les entreprises affiliées – s’élève à 850 milliards de livres turques.


Ekrem Imamoglu et son équipe – composée en grande partie de son propre entourage, non pas d’hommes d’État mais de publicitaires – ont montré, dès leur premier mandat, que la municipalité CHP restait distante des services nécessaires à la population. Une campagne électorale peut être gagnée avec des publicitaires, mais une institution se gère avec des bureaucrates expérimentés. Et les publicitaires sont souvent les moins compétents en matière de gestion institutionnelle ou de processus politiques.


Gagner le congrès du CHP en achetant les délégués, dominer Özgür Özel en le contrôlant, se comporter comme un chef de parti, placer des hommes de confiance dans toutes les municipalités CHP en dehors d’Istanbul…


De nombreuses personnes issues du secteur privé sont arrivées à la tête de la mairie d’Istanbul, et il est probable que c’était la première fois qu’elles géraient de si vastes budgets, avec un accès aussi facile à l’argent public.


Un bureaucrate expérimenté sait que lorsqu’un crime ou une irrégularité est commise quelque part, elle finit tôt ou tard par relever du droit. Même si, au sein du système, tout le monde semble satisfait, la concurrence politique, la jalousie, ou les abus de ceux qui s’enrichissent illégalement finissent par tout faire basculer.


Imamoglu et son équipe de publicitaires, peu au fait des mœurs politiques, ont voulu forcer le destin. Ce qu’il aurait pu obtenir naturellement, il a tenté de l’arracher en sortant des usages politiques établis. Ainsi est née dans l’histoire politique turque une nouvelle expression : l’achat politique.


Le CHP est un parti qui concentre son énergie sur lui-même ; toutes ses dynamiques internes tournent autour de la prise et de la conservation du pouvoir au sein du parti. À l’approche du grand congrès, il entre dans une période marquée par de grandes interrogations. Ces questions finiront par être posées, et le processus de motivation, enclenché par l’arrestation d’Ekrem Imamoglu, va se transformer en une phase de débats internes.

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