Génocide au Rwanda: le parquet français demande l'inculpation d'Agathe Habyarimana

12:1618/03/2025, Salı
AFP
La veuve de Juvénal Habyarimana, ancien président du Rwanda, Agathe Kanziga.
Crédit Photo : X /
La veuve de Juvénal Habyarimana, ancien président du Rwanda, Agathe Kanziga.

Le parquet national antiterroriste (Pnat) français a déposé un recours, examiné mercredi à Paris, pour obtenir l'inculpation d'Agathe Habyarimana, veuve du président du Rwanda tué en 1994, qui a jusqu'à présent échappé à des poursuites dans l'enquête sur son rôle lors du génocide des Tutsi.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris doit examiner mercredi à 16H00 (15H00 GMT), à huis clos, la requête, selon une source judiciaire. La décision sera mise en délibéré.


Le Pnat a confirmé à l'AFP avoir déposé cette requête le 12 septembre, reprenant les demandes déjà formulées dans un réquisitoire supplétif du 3 septembre : l'inculpation pour
"entente établie en vue de commettre un génocide et des crimes contre l'humanité",
l'élargissement de l'enquête au 1er mars 1994 et de nouvelles investigations.

Agathe Kanziga, veuve de Juvénal Habyarimana, le président hutu dont l'assassinat le 6 avril 1994 avait déclenché les massacres contre la minorité tutsi, est visée depuis 2008 par une enquête en France pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité, ouverte après une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

Aujourd'hui âgée de 82 ans, elle est présentée par ses accusateurs comme l'une des dirigeantes - ce qu'elle réfute - de l'"akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui aurait orchestré le génocide.


D'avril à juillet 1994, celui-ci a fait, selon l'ONU, 800.000 morts, membres de la minorité tutsi ou hutu modérés, tués par les Forces armées rwandaises (FAR) et les milices extrémistes hutu Interahamwe.


Agathe Kanziga avait été exfiltrée le 9 avril 1994 en Europe avec sa famille à la demande du président français François Mitterrand, proche de son mari.


Depuis, la France a refusé de l'extrader au Rwanda, sans toutefois lui accorder l'asile, en raison des soupçons pesant sur le rôle qu'elle a pu jouer dans l'une des pires tragédies du XXe siècle. Installée en France depuis 1998, elle y vit sans statut légal.

Dossier "complexe"


En 2016, elle a été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté. En février 2022, la juge d'instruction avait annoncé la clôture des investigations, une décision qui augurait d'un non-lieu. Sa défense avait notamment soulevé le
"délai déraisonnable"
de l'enquête.

Mais le 8 août 2022, le Pnat a pris un réquisitoire supplétif, demandant auditions et confrontations.


"C'est un dossier qui fait partie des plus complexes que nous avons toujours en ligne de mire"
, avait déclaré fin mars 2024 à l'AFP l'ancien procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, qui rentrait d'un déplacement au Rwanda à l'approche de la commémoration des 30 ans du génocide.

Il expliquait lui
"reprocher en quelque sorte les mots d'ordre qu'elle aurait pu donner, les incitations".

Estimant que la juge d'instruction n'avait réalisé
"qu'un petit nombre"
d'actes, selon des éléments de l'enquête dont a eu connaissance l'AFP, le Pnat a pris un nouveau réquisitoire supplétif le 3 septembre 2024, lui demandant cette fois-ci d'inculper Agathe Habyarimana.

La juge n'ayant pas répondu, le Pnat a saisi la cour d'appel pour qu'elle ordonne ces poursuites.


Dans sa plainte, le CPCR accusait notamment Mme Habyarimana d'avoir donné
"des fonds importants"
à la Radio Mille Collines qui diffusait des messages de haine anti-Tutsi et d'avoir pris part à l'élaboration en février 1994
"d'une liste"
de personnalités tutsi influentes et de Hutu modérés
"à exécuter"
.

L'association l'accusait d'avoir, après l'assassinat de son mari,
"donné son assentiment aux actions de terreur engagées en particulier par la garde présidentielle" et "ordonné le massacre de sept employées"
d'un orphelinat qu'elle avait fondé.

Selon une source proche du dossier,
"on ne peut pas se contenter d'une appartenance à l'akazu, qui deviendrait un argument en soi, il faut démontrer qui a fait quoi, individualiser".

Selon les éléments de l'enquête, la juge a réinterrogé sous le statut de témoin assisté Agathe Habyarimana le 5 décembre.


A lire également:





#France
#Rwanda
#enquête
#procès
#génocide
#Agathe Habyarimana
#Juvénal Habyarimana
#François Mitterrand
#Jean-François Ricard