
Sous un abri de fortune aménagé dans la cour d'une école de l'est du Soudan, Hanim Mohamed, 14 ans, chante pour apporter du réconfort aux familles déplacées par la guerre.
Pendant quelques instants fugaces, les cicatrices de 21 mois de conflit semblent s'estomper, quand les familles se rassemblent pour écouter les paroles nostalgiques du rap qu'elle interprète.
Hanim, surnommée Nana par le public, déclare avec un large sourire:
Quand j'interprète du rap, tout le monde chante avec moi. Cela me rend si heureuse.
Emportés par le rythme, certains dansent avec elle, oubliant la dureté de la guerre qui, depuis avril 2023, a fait des dizaines de milliers de victimes, déraciné plus de 12 millions de personnes et poussé les Soudanais au bord de la famine.
Le conflit, qui oppose le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane à son ancien allié Mohamed Hamdan Daglo, a déclenché ce que les Nations unies décrivent comme l'une des pires catastrophes humanitaires de mémoire récente.
"Droit au cœur"
Deir Fathi, une autre fan en liesse, affirme :
Je ressens du réconfort et de l'excitation lorsque j'écoute sa musique.
Hanim a fui avec sa famille Omdourman, la ville jumelle de la capitale Khartoum, il y a plus d'un an et demi, lorsque la guerre a éclaté.
Résidant dans un lycée de Port-Soudan, la capitale de facto du pays, elle s'est tournée vers le rap pour exprimer son chagrin et raconter de précieuses évocations de son pays.
Ses souvenirs d'une ville autrefois animée alimentent aujourd'hui son expression créative, notamment dans son morceau poignant *The Omdurman Tragedy*.
La chanson dit :
Vous restez assis en silence, un incendie éclate, que faites-vous ? Votre cerveau lui-même est confus.
Hanim a découvert sa passion pour le rap il y a quatre ans, mais c'est le déclenchement de la guerre qui a véritablement éveillé son amour pour ce genre musical, l'incitant à écrire ses propres textes.
Le grand rêve
L'adolescente et sa famille s'abritent sous une tente érigée par l'Unicef dans la cour de l'école où vivent, dans la précarité, des dizaines d'autres familles déplacées.
Elle déplore:
Ce qui me gêne le plus, c'est la qualité de l'eau : parfois je la trouve salée, d'autres fois trop amère.
Le Soudan, ravagé par le conflit, manque dramatiquement d'eau potable malgré ses nombreuses sources, dont le majestueux Nil.
Même avant la guerre, un quart de la population devait marcher plus de 50 minutes pour aller chercher de l'eau, selon les Nations unies.
Aujourd'hui, des déserts arides de l'ouest du Darfour à la luxuriante vallée du Nil et jusqu'aux rives de la mer Rouge, les 48 millions de Soudanais sont souvent privés d'eau.
Et son ambition ne s'arrête pas là. Assise dans une petite salle de classe, elle est penchée sur ses livres, rêvant de devenir à la fois chirurgienne et rappeuse célèbre.