Notre-Dame de Bétharram : Malgré ses annonces, Bayrou peine à convaincre

La rédaction avec
15:4117/02/2025, Monday
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Le Premier ministre français François Bayrou (C) s'adresse à la presse après une réunion avec des membres du collectif des victimes de violences de Notre-Dame-de-Betharram et son porte-parole Alain Esquerre (D), à l'hôtel de ville de Pau, dans le sud-ouest de la France, le 15 février 2025.
Crédit Photo : Philippe Lopez / AFP
Le Premier ministre français François Bayrou (C) s'adresse à la presse après une réunion avec des membres du collectif des victimes de violences de Notre-Dame-de-Betharram et son porte-parole Alain Esquerre (D), à l'hôtel de ville de Pau, dans le sud-ouest de la France, le 15 février 2025.

Le scandale lié aux accusations de violences et de violences sexuelles qui visent l'établissement privé catholique Notre-Dame de Bétharram, situé sur la commune de Lestelle-Bétharram, à proximité de Pau, ne cesse d'agiter la sphère politique française.

Et pour cause, le Premier ministre François Bayrou, actuel maire de Pau, et dont les enfants ont été scolarisés au sein de ce groupe scolaire, est accusé d'avoir eu connaissance des faits, sans jamais les avoir dénoncés, y compris à l'époque où il était ministre de l'Education Nationale, dans les années 90.


S'il a affirmé mardi face à l'Assemblée nationale, n'avoir jamais rien su de la gravité des accusations dirigées contre Notre-Dame de Bétharram, de nombreuses preuves publiées notamment par Mediapart, sont venues contredire ses déclarations, mettant à mal sa défense dans cette épineuse affaire qui embarrasse jusqu'au plus haut sommet de l'Etat.


Pas moins de 112 plaintes ont été déposées pour des faits de violences physiques et sexuelles survenus au sein du groupe scolaire Notre-Dame de Bétharram, sur la période 1970-2010 et une enquête dirigée par le parquet de Pau est toujours en cours.

Au sein de cet établissement catholique réputé pour son extrême rigueur, de nombreux élèves ont vécu un véritable calvaire, et décrivent des scènes de viols, d'humiliations et de violences qu'ils ont subis de la part de surveillants et de prêtres.


Si pendant des années, l'omerta a régné, permettant à la direction de l'établissement de cacher ces terribles faits, une première plainte a été déposée en 1996, par les parents d'un élève, pour une gifle après que leur fils a été mis dehors en petite tenue sous des températures glaciales au milieu de la nuit, en guise de punition.


Très vite, d'autres familles se signalent mais un rapport académique diligenté dans la foulée conclut à l'absence de faits répréhensibles.


Le scandale reprend en 1998, lorsque le prêtre directeur de l'école est accusé de viol. Selon le juge d'instruction, Christian Mirande, à cette époque, François Bayrou, alors député et président du conseil départemental, est venu à sa rencontre, pour avoir des informations sur ces lourdes accusations, inquiet pour son fils, qui y était scolarisé.

"Je n'ai jamais été informé de quoi que ce soit de violences ou de violences à fortiori sexuelles"
concernant l'affaire Notre-Dame de Bétharram, a lancé le Premier ministre, mardi dernier, alors qu'il était interrogé sur ce scandale, par la représentation nationale.

Mais ses explications peinent à convaincre, et les révélations publiées dans la presse, dont le témoignage du juge Mirande, et un courrier qui lui a été adressé courant 2024 par l'une des victimes à la mairie de Pau, tendent à prouver que le chef du gouvernement en savait peut-être plus que ce qu'il admet aujourd'hui.


Pourtant, dans une interview donnée il y a un an au journal Le Parisien au moment de l'ouverture d'une nouvelle enquête par le parquet de Pau, le maire de ville reconnaissait volontiers que
"la rumeur, il y a 25 ans, laissait entendre qu'il y avait des claques à l'internat"
.

Samedi dernier, dans les locaux de l'Hôtel de Ville palois, François Bayrou, acculé par la polémique qui enfle et la multiplication des appels à sa démission, a reçu l'association des victimes de Bétharram, présidée par Alain Lesquerre.


Au terme de plus de trois heures d'échanges, le locataire de Matignon a maintenu sa ligne de défense en affirmant avoir fait le nécessaire durant son passage au ministère de l'Education nationale.


"J'ai fait ce que je devais faire quand j'étais ministre (…). Quand j'ai appris en 1996, la première plainte pour une claque, j'ai fait organiser une inspection générale de l'établissement et cette inspection a donné lieu à un rapport rassurant"
, a-t-il relaté.

François Bayrou, qui a qualifié les échanges de
"bouleversants"
et reconnu
"des actes de violences intolérables et d'agressions sexuelles abominables"
, a fait savoir qu'il allait demander
"des magistrats supplémentaires"
pour
"aller au bout"
du travail d'enquête.

Et de conclure:


Notre société toute entière ne peut pas accepter que ces violences demeurent ignorées (…). Les coupables ne peuvent pas rester à l'abri.

Mais dès dimanche soir, TF1 mettait à nouveau à mal la position de François Bayrou qui affirmait notamment ne pas savoir qui était le Père Carricart, accusé de multiples viols sur mineurs à Bétharram avant de suicider en 2000, en diffusant le témoignage d'un ancien gendarme en charge de l'enquête, qui indique que l'actuel Premier ministre s'était informé sur l'avancée de l'affaire durant l'enquête auprès du tribunal de Pau.


Philippe Augier de Lajallet, venu manifester samedi matin devant la mairie de Pau pour réclamer la démission de François Bayrou estime qu'il
"ne pouvait pas ne pas savoir"
.

Dans une interview à Anadolu, il considère que l'actuel chef du gouvernement
"aurait du déclencher l'article 40"
et
"réagir en sachant que son épouse y donnait des cours de catéchisme et que ses enfants y étaient scolarisés".

Les groupes parlementaires de gauche se sont naturellement saisis de l'affaire et ont multiplié les demandes pour confondre les responsables de cette omerta visant à couvrir la gravité des faits reprochés à cette institution catholique du Béarn.

Le groupe LFI à l'Assemblée nationale qui exige la démission de François Bayrou, a effectué un signalement au parquet, et réclame l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire.


Selon le député Paul Vannier, cette commission d'enquête permettra de
"travailler sur les défaillances du contrôle des établissements privés sous contrat par l'Etat"
et
"d'envisager des évolutions de la loi pour garantir la protection des enfants"
.

"Jusqu'à la démission du Premier ministre, je ne lâcherai rien parce-qu'il a menti sur une affaire de violences pédocriminelles",
a-t-il promis dans une publication sur le réseau social X, affirmant que
"dès 1998 François Bayrou est informé des violences pédocriminelles de Bétharram".

Face à la pression, le ministère de l'Education nationale, dirigé par Elisabeth Borne, a annoncé vendredi, qu'il déclenchait une inspection à Bétharram afin qu'un rapport circonstancié puisse permettre d'établir un état des lieux complet de la situation du groupe scolaire catholique.


L'Assemblée nationale décidera, mercredi, de l'ouverture d'une commission d'enquête. Dans l'attente, les victimes espèrent que l'enquête en cours permettra d'établir les responsabilités de chacun, et de sanctionner lourdement les faits qui ne sont pas encore prescrits.


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