Royaume-Uni: La fortune gelée d'Assad en question

La rédaction avec
21:0024/01/2025, vendredi
MAJ: 24/01/2025, vendredi
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Statue détruite de Hafez El-Assad, ancien dictateur syrien et père de l'ancien dictateur syrien Bacha El-Assad, le 18 janvier 2025.
Crédit Photo : Arthur Serrahdin / X
Statue détruite de Hafez El-Assad, ancien dictateur syrien et père de l'ancien dictateur syrien Bacha El-Assad, le 18 janvier 2025.

Les fonds gelés de Bachar al-Assad au Royaume-Uni relancent le débat sur les sanctions et leur possible réaffectation pour la reconstruction de la Syrie.

Depuis l'éviction, le mois dernier, de l'ancien dirigeant du régime baathiste syrien, des rapports au Royaume-Uni révèlent que 55 millions de livres sterling (près de 68,3 millions de dollars) appartenant à Bachar al-Assad restent bloqués dans une banque londonienne.


Bien que ces fonds gelés ne représentent qu'une fraction des 163 millions de livres sterling liés à l’entourage d’Assad, leur présence relance les débats sur la surveillance financière au Royaume-Uni et sur l'application des sanctions imposées pendant près de 14 ans de guerre civile en Syrie.


Des organisations de défense des droits humains et des analystes politiques appellent à des actions rapides pour saisir ces fonds et les restituer à la Syrie sous un gouvernement légitime et reconnu à l'échelle internationale. Ce dossier prend une importance particulière dans le contexte du conflit en Ukraine, où des actifs russes gelés sont réorientés pour soutenir la reconstruction.


Des fonds gelés et des obstacles juridiques


Le Royaume-Uni applique de larges sanctions contre 310 individus et 74 entités liés au régime, y compris Bachar al-Assad, pour
"les atrocités commises en Syrie"
, a confirmé un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement (FCDO) à Anadolu.

"Le Royaume-Uni travaillera en étroite collaboration avec la société civile et la communauté internationale pour s'assurer que les responsables de crimes de guerre et autres atrocités rendent des comptes"
, a ajouté le porte-parole.

Cependant, bien que la loi britannique de 2018 sur les sanctions et la lutte contre le blanchiment d’argent (SAMLA) permette le gel des actifs, la confiscation sans condamnation pénale reste une zone grise juridique.


Les experts avertissent que cette lacune permet aux individus sanctionnés de conserver des richesses dans les institutions financières britanniques, même si leurs actifs restent techniquement inaccessibles.

"La présence de ces fonds au Royaume-Uni soulève de sérieuses inquiétudes sur l'efficacité de la surveillance et de la réglementation financières actuelles"
, a déclaré Iain Overton, directeur exécutif de l'organisation Action on Armed Violence.

"Cette problématique illustre un problème systémique plus large, où le Royaume-Uni, malgré son engagement déclaré envers les droits humains et le droit international, risque de devenir un refuge pour des actifs illicites liés à des régimes impliqués dans de graves abus. De tels cas nécessitent une attention urgente pour que les systèmes financiers n'alimentent ni ne perpétuent ces abus"
, a souligné Overton.

Selon lui, le régime de sanctions indépendant du Royaume-Uni, introduit après le Brexit, visait à renforcer la capacité du pays à imposer des restrictions financières aux régimes autoritaires. Cependant, l'application a été incohérente.


"Le FCDO a augmenté de plus de 300% la taille de son équipe dédiée aux sanctions. Malgré cela, leur mise en œuvre reste, au mieux, irrégulière",
a-t-il déclaré.

"Par exemple, des centaines de violations signalées des sanctions n'ont donné lieu à aucune action ou à des sanctions dissuasives. Ce manque de cohérence sape la crédibilité du système de sanctions britannique"
, a-t-il ajouté.

Des cadres juridiques clairs pour réaffecter les fonds gelés d'Assad


Overton a critiqué le gouvernement britannique pour ne pas avoir établi de mécanismes juridiques clairs garantissant que les fonds récupérés soutiennent la reconstruction de la Syrie sous un gouvernement légitime.


"Il est crucial de s'assurer que tous les fonds récupérés bénéficient au peuple syrien sous un gouvernement légitime et reconnu à l'échelle internationale. Cela nécessite une collaboration avec des organisations mondiales pour garantir la transparence et la responsabilité",
a déclaré le responsable de l’ONG.

Il a suggéré que l'approche britannique vis-à-vis des sanctions russes dans le cadre de la guerre en Ukraine pourrait servir de modèle.


"Bien que le Royaume-Uni ait introduit l'un des régimes de sanctions les plus sévères sur le papier, son impact a été affaibli par des lacunes dans l'application et des failles permettant aux individus et entités sanctionnés de contourner les restrictions"
, a-t-il averti.

Pour remédier à cela, Overton a recommandé au Royaume-Uni de développer des méthodes plus robustes pour suivre les actifs, d'améliorer la transparence sur la propriété et de fournir des ressources suffisantes aux agences d'application des sanctions.


Cependant, il a reconnu la complexité de reclassement de certains fonds liés à Assad en tant qu'actifs de l'État pour une nouvelle administration syrienne.

"Suite à la chute d’Assad, il existe de solides arguments pour considérer ces fonds comme des actifs de l’État syrien, qui devraient au moins être retirés des mains d’Assad",
a affirmé la consultante en affaires étrangères Ceren Kenar.

Comment les actifs russes soutiennent l'Ukraine


La question des actifs liés à Assad survient alors que les nations occidentales redirigent les fonds russes gelés pour soutenir l'Ukraine.


En octobre 2024, le Royaume-Uni a annoncé un prêt de 2,26 milliards de livres sterling à l’Ukraine, financé par les intérêts générés sur les actifs souverains russes gelés. Cette initiative fait partie du prêt de 50 milliards de dollars du G7 visant à renforcer les capacités militaires et la reconstruction de l’Ukraine.


L’UE, qui détient environ 210 milliards d’euros (plus de 220 milliards de dollars) d’actifs de la Banque centrale russe, principalement gelés en Belgique, a proposé d’utiliser 90% des intérêts générés (estimés à environ 3 milliards d’euros annuels) pour financer des armes. Les 10% restants seraient alloués à une aide budgétaire pour Kyiv.


Le bloc a également approuvé un prêt de 35 milliards d’euros à l’Ukraine, financé par les intérêts générés par ces actifs gelés.


Overton a conclu:
"En fin de compte, la capacité du Royaume-Uni à geler ou saisir ces actifs et à garantir leur redistribution éthique repose sur une volonté politique, une allocation des ressources et un engagement à corriger les failles systémiques du cadre des sanctions."

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