Le destin de Dürrüşehvar, l’ultime héritière ottomane

La rédaction
17:575/12/2025, Cuma
Yeni Şafak

Au lendemain de l’abolition du califat ottoman en 1924, à ne pas confondre avec l’abolition du sultanat ottoman le 1er novembre 1922, une princesse de 17 ans fut propulsée au cœur d’un projet politique ambitieux : unir deux des plus puissantes dynasties du monde musulman. L’histoire de Dürrüşehvar Sultan dépasse le mariage arrangé, c’est celle d’une transition entre deux mondes, et du destin brisé d’un califat que son père tenta en secret de ressusciter en Inde.


Une princesse ottomane emportée par la fin du califat


Fille du dernier calife ottoman Abdülmecid II, Dürrüşehvar Sultan grandit dans l’effervescence d’Istanbul, au sein d’une famille raffinée, cultivée et tournée vers l’Europe. Mais en mars 1924, tout bascule : la République turque abolit le califat, vieux de 1 300 ans, et bannit la famille impériale. L’exil les conduit en France, sur la Côte d’Azur.

Depuis Nice, Abdülmecid II tente de reconstruire ce qui lui reste : son influence, son image et son rêve d’un califat survivant à la disparition de l’Empire.


Un mariage stratégique au cœur d’un projet géopolitique


L’histoire prend un tournant inattendu lorsque le politicien indien Shaukat Ali orchestre une alliance matrimoniale entre la maison ottomane et la dynastie des Nizams d’Hyderabad, alors l’État princier le plus riche du monde.


En 1931, Dürrüşehvar épouse Azam Jah, fils du Nizam, scellant ainsi l’union de l’islam occidental et de l’islam oriental.


Derrière ce mariage, un objectif politique assumé : Hyderabad devait devenir la nouvelle capitale symbolique du monde musulman, et le petit-fils d’Abdülmecid II aurait été en position de revendiquer le califat.


Mais la partition de l’Inde en 1947 puis l’annexion d’Hyderabad en 1948 mettent brutalement fin à ce projet.

Une figure moderne, respectée et engagée en Inde


Si la manœuvre politique échoue, la princesse, elle, s’impose dans son nouveau pays.


Éduquée, francophone et profondément moderne, Dürrüşehvar gagne l’estime de la société indienne. Elle œuvre pour l’éducation des filles, la santé des femmes, finance des écoles, des hôpitaux et laisse un héritage qui marque encore Hyderabad.


Partout où elle passe, cette princesse en exil affirme une élégance sobre, une indépendance rare et une vision progressiste.

Elle conduisait sa propre voiture, parlait plusieurs langues et n’hésitait pas à questionner les normes sociales de son époque.


La fin d’un rêve impérial


L’union des Ottomans et des Nizams devait changer l’histoire.


Elle n’aura finalement été qu’un éclat éphémère, emporté par les bouleversements géopolitiques du XXᵉ siècle.


Mais la trajectoire de Dürrüşehvar, entre palais, exil et renouveau, rappelle que l’Inde fut, un temps, l’un des centres névralgiques du monde musulman — un fait largement oublié aujourd’hui.


La princesse s’éteindra en 2006, loin des trônes et des titres, mais respectée comme une souveraine dans le cœur de ceux qu’elle a marqués.


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