Soudan: des milliers de personnes menacées par la faim après le gel de l'aide américaine

13:3813/02/2025, jeudi
AFP
Une femme collecte de la nourriture dans un lieu mis en place par une organisation humanitaire locale pour donner des repas et des médicaments aux personnes déplacées par la guerre au Soudan, à Meroe dans l'État du Nord du pays, le 9 janvier 2025.
Crédit Photo : AFP /
Une femme collecte de la nourriture dans un lieu mis en place par une organisation humanitaire locale pour donner des repas et des médicaments aux personnes déplacées par la guerre au Soudan, à Meroe dans l'État du Nord du pays, le 9 janvier 2025.

Pour la première fois en près de deux ans de guerre, les soupes populaires au Soudan sont contraintes de refuser des gens tenaillés par la faim, après le gel de l'aide humanitaire américaine, dont beaucoup dépendent comme principale source de soutien.

"Des gens vont mourir à cause de cette décision",
s'alarme une bénévole travaillant dans la collecte de fonds, qui s'efforce de trouver de l'argent pour nourrir des dizaines de milliers de personnes à Khartoum.

"Nous avons 40 cuisines dans tout le pays qui nourrissent entre 30.000 et 35.000 personnes chaque jour",
affirme à l'AFP une autre bénévole soudanaise, soulignant que toutes ces cuisines ont fermé après le gel de l'aide étrangère américaine décidée par le président Donald Trump.
"Des femmes et des enfants sont refoulés".

Depuis avril 2023, le Soudan est déchiré par une guerre entre l'armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui a tué des dizaines de milliers de personnes et déraciné plus de 12 millions d'autres.

Le conflit a aussi plongé plusieurs régions dans la famine, alors que près de 25 millions de personnes vivent dans une insécurité alimentaire aiguë.


"L'impact de la décision de cesser le financement de manière aussi brutale a des conséquences mortelles",
a déclaré à l'AFP Javid Abdelmoneim, chef de l'équipe médicale de Médecins sans frontières (MSF) à Omdurman, ville jumelle de Khartoum.

"C'est une nouvelle catastrophe pour la population du Soudan, qui souffre déjà des conséquences de la violence, de la faim, de l'effondrement du système de santé et d'une réponse humanitaire internationale déplorable",
a-t-il poursuivi.

"Des gens meurent"


Donald Trump a annoncé le gel de l'aide étrangère américaine, à l'exception de certaines dérogations dont l'aide humanitaire est jugée vitale.


Ces dérogations devraient concerner la prévention de la famine au Soudan, mais les organisations humanitaires y ont été contraintes de suspendre leurs opérations essentielles en matière d'alimentation, d'hébergement et de santé.

"Toutes les communications officielles sont coupées",
explique à l'AFP un autre coordinateur d'aide soudanais, après que des travailleurs de l'USAID, l'Agence américaine pour le développement international, ont été mis en congé cette semaine.

MSF, l'une des rares organisations indépendantes encore présentes au Soudan, a dit avoir reçu des demandes d'intervention rapide de la part des intervenants locaux.


Mais
"MSF ne peut pas combler le vide laissé par le retrait du financement américain",
souligne M. Abdelmoneim.

Les États-Unis ont été le plus grand donateur du Soudan l'année dernière, contribuant à hauteur de 45 % aux fonds du plan d'intervention de l'ONU.

Plus de 8 millions de personnes sont au bord de la famine au Soudan, selon le système de classification de la sécurité alimentaire (IPC) soutenu par l'ONU.

La famine frappe déjà cinq régions soudanaises et devrait s'étendre à cinq autres d'ici mai, avant que la prochaine saison des pluies ne bloque encore davantage l'accès à la nourriture pour des millions de personnes à travers le pays.


L'argent s'épuise


"Le plus dévastateur, c'est que tant de choses ont été promises",
déplore le coordinateur d'aide qui a lui aussi souhaité rester anonyme.

Selon plusieurs bénévoles, quand Donald Trump a réduit l'aide étrangère, les organisations humanitaires avaient déjà avancé des millions de dollars d'aide alimentaire, de soins de santé et d'hébergement, sur la base des promesses de financement américaines.


"Ainsi, certains frais ont déjà été payés. Mais la peur, c'est ce qui va arriver ensuite. Ils ont l'argent maintenant, mais qu'en sera-t-il le mois prochain ? Combien de personnes auront faim alors ?"
, souligne le coordinateur.

À travers le pays, les bénévoles des soupes populaires épuisent leurs dernières semaines de financement.


"Ce n'était déjà pas suffisant, mais au moins les gens recevaient quelque chose",
explique à l'AFP la bénévole qui collecte des fonds pour les soupes populaires.
"Maintenant, les choses vont de mal en pis. Les gens sont mal nourris, les femmes enceintes meurent par manque de soins de santé, il n'y a plus aucun semblant de vie."

Selon l'ONU, la crise alimentaire est déjà bien pire que ne le montrent les chiffres, le manque d'accès aux données empêchant les déclarations officielles de famine, y compris à Khartoum.

La situation va s'aggraver encore : FEWS Net, une organisation de surveillance de la sécurité alimentaire financée par la coopération américaine, a été mise hors ligne, ce qui alimente la crainte que le suivi de la famine au Soudan devienne encore plus difficile.


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