La relaxe de Boudjekada: une rupture dans la répression des voix pro-palestiennes

La rédaction
15:5610/12/2025, Çarşamba
Yeni Şafak
Le conseiller municipal dans le Doubs et militant pro-palestinien, Ismaël Boudjekada, le 2 avril 2025.
Crédit Photo : Copie d'écran / Ismaël Boudjekada sur X
Le conseiller municipal dans le Doubs et militant pro-palestinien, Ismaël Boudjekada, le 2 avril 2025.

Nadia Meziane, militante antiraciste, analyse la relaxe d’Ismaël Boudjekada comme un tournant dans la criminalisation des voix musulmanes engagées pour la Palestine. Le tribunal a replacé les propos incriminés dans leur contexte réel, celui de réseaux sociaux où la confrontation verbale domine. Cette décision intervient après une série de poursuites ciblant militants, chercheurs et créateurs de contenus pro-palestiniens. Elle fragilise la stratégie punitive portée par certaines associations et personnalités politiques, alors même que plusieurs figures israéliennes ont tenu des propos déshumanisants restés sans suivi judiciaire. Cette affaire ouvre une brèche dans l’édifice répressif actuel.

La propagande ne tient plus: la relaxe d’Ismaël Boudjekada expose la mécanique répressive anti-Palestine


Ismaël Boudjekada: la première brèche dans la mécanique de criminalisation des voix musulmanes pro-palestiniennes


Le procès intenté par le ministère public contre
Ismaël Boudjekada
, sur plainte de la députée
Caroline Yadan
, s’est conclu la semaine dernière par une relaxe inattendue du jeune élu accusé d’injures antisémites. Ce verdict marque un tournant dans la longue série de procédures visant des activistes et créateurs de contenus musulmans engagés contre le génocide à Gaza.

Une surveillance systématique et un usage expansif du droit pénal


Depuis deux ans, des officines très bien dotées surveillent en continu les comptes des activistes pro-palestiniens. Lives TikTok, shorts, extraits sortis de leur contexte : chaque fragment est collecté et transmis à des relais politiques ou associatifs pour multiplier les dépôts de plainte.
Certaines associations sont ouvertement d’extrême-droite israélienne ou française
. D’autres, comme la LICRA ou l’UEJF, utilisent leur passé dans la lutte contre l’antisémitisme pour mener une guerre judiciaire afin de faire taire les voix défendant les droits humains en Palestine.

Dans ce climat,
Ismaël Boudjekada
est devenu une cible centrale. Son moindre propos est traqué. Il a même été placé en garde à vue après avoir identifié des individus qui l’avaient menacé et avaient diffusé son adresse. C’est lui, et non ses agresseurs, qui fut poursuivi.

Ce traitement différencié illustre une
dynamique structurelle islamophobe
. Le ministère public se montre très réactif lorsque les plaintes proviennent de personnalités engagées dans la défense du régime israélien, comme Caroline Yadan, députée des Français de l’étranger.

La tentative de criminaliser un conflit politique


L’affaire portait sur un live TikTok de plusieurs heures durant lequel un soldat franco-israélien engagé à Gaza avait menacé Ismaël Boudjekada et sa famille en promettant le viol de sa mère. Le tout était accompagné d’appels à l’union entre la France et Israël pour éradiquer les Palestiniens. Dans ce contexte,
Ismaël Boudjekada
s’était emporté et avait insulté
Caroline Yadan
. L’insulte n’a jamais été contestée, mais le tribunal a replacé les mots dans leur contexte : une confrontation verbale propre aux réseaux sociaux.

La LICRA et l’UEJF, parties civiles, soutenaient que l’usage du mot
halloufa
("porc") constituait une animalisation antisémite. Le tribunal n’a pas retenu cette assimilation. L’insulte, regrettable, appartient au registre courant des invectives en arabe comme en français, sans connotation raciale ou religieuse.

La forte sensibilité des partisans inconditionnels d’Israël comme madame Yadan est paradoxale, alors que plusieurs responsables israéliens ont publiquement employé un vocabulaire explicitement déshumanisant contre les Palestiniens. On se souvient du ministre de la Défense Yoav Gallant parlant
"d’animaux humains"
, de l’ancien vice-ministre Eli Ben-Dahan affirmant que
"les Palestiniens ne sont pas des humains"
, ou du député Oren Hazan qualifiant les Palestiniens de
"chiens"
et
"insectes"
.

Ces expressions, publiques et assumées, relèvent d’un registre réellement animalisant destiné à légitimer la violence. Comparer ces déclarations à l’insulte d’un live TikTok montre l’asymétrie du traitement médiatico-judiciaire.


Le glissement idéologique: quand la critique d’Israël devient suspecte par nature


Depuis des années, et plus encore depuis le génocide, un discours s’impose: toute critique d’Israël serait une manifestation d’antisémitisme. Toute injure adressée à une personnalité juive favorable au gouvernement israélien devient automatiquement "raciste". C’est cette grille que les parties civiles voulaient imposer. La justice ne les a pas suivies.


La loi Yadan: un projet de censure à champ ouvert


Caroline Yadan
porte une proposition visant à créer un délit d’
"apologie de l’islamisme et du terrorisme"
. Sa formulation floue ouvre la voie à une criminalisation illimitée des expressions politiques liées à la Palestine. Ce texte assimile l’antisionisme à l’antisémitisme, la critique du régime israélien au soutien au terrorisme, et le soutien au peuple palestinien à une menace pour la République.

Il s’agit d’une censure politique large menaçant historiens, chercheurs, journalistes, militants et élus. Elle contournerait les garanties du droit de la presse de 1881. Cette stratégie correspond aux tentatives vues dans le
procès Boudjekada
. Sa relaxe est un revers pour cette entreprise.

Une dramaturgie judiciaire construite autour de l’homme musulman


Les audiences ont mis en scène une forte présence policière, des fouilles répétées et l’interdiction du keffieh, considéré comme un "symbole politique". Des spectateurs ont été expulsés pour avoir porté cette écharpe. Ce dispositif participe à installer l’idée d’un accusé dangereux avant l’examen du dossier.


Une politique pénale punitive: gardes à vue, comparutions immédiates, détention provisoire


Les poursuites contre
Boudjekada
n’ont pas été limitées à l’instruction. Elles incluent des gardes à vue répétées, une tentative de comparution immédiate et une détention provisoire injustifiée dans un autre dossier. D’autres subissent gels d’avoirs et perquisitions abusives, comme
Nourredine Aoussat
qui a saisi la Cour de Cassation. L’objectif est d’installer l’idée d’un individu dangereux avant tout jugement.

Un infléchissement récent de la justice française


Depuis quelques mois, on observe une inflexion: la relaxe d’
Abdourahmane Redouane
, la suspension de la fermeture de la
mosquée des Bleuets
et désormais la relaxe d’
Ismaël Boudjekada
. Ce mouvement se produit alors que la qualification de génocide est posée par un nombre croissant d’acteurs institutionnels.

Janvier 2026: des procès qui redéfiniront la parole politique


Plusieurs procès majeurs vont déterminer les limites de la parole sur la Palestine: le procès d’
Elias D’Imzalene
, lié au mot intifada, le procès de
François Burgat
, poursuivi pour avoir rappelé que le Hamas avait remporté les élections de 2006, et la prochaine audience d’
Ismaël Boudjekada
pour apologie du terrorisme.

Pendant que la parole pro-israélienne circule librement,
les militants pro-palestiniens sont harcelés et menacés
. L’adresse d’Ismaël Boudjekada et de ses parents a été divulguée. Les menaces de mort sont quotidiennes.

L’année 2026 tranchera des questions essentielles pour les musulmans ciblés par la future loi "Entrisme", les défenseurs des droits humains, les acteurs de la lutte contre les génocides et les gardiens de la mémoire de la Shoah, qui refusent toute instrumentalisation.


Nadia Meziane, fondatrice du collectif contre l'antisémitisme Lignes de Crête

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