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Thaïlande: l'opposition sommée de renoncer à réformer la loi de lèse-majesté

La justice thaïlandaise a ordonné mercredi au principal parti d'opposition de renoncer à réformer la loi de lèse-majesté, un texte jugé trop sévère et hors de contrôle par le mouvement pro-démocratie qui divise le pays.

18:10 - 31/01/2024 mercredi
AFP
L'ancien candidat au premier ministre thaïlandais et député du Move Forward Party (MFP) Pita Limjaroenrat assiste à une conférence de presse au parlement thaïlandais à Bangkok le 31 janvier 2024.
Crédit Photo : Jack TAYLOR / AFP
L'ancien candidat au premier ministre thaïlandais et député du Move Forward Party (MFP) Pita Limjaroenrat assiste à une conférence de presse au parlement thaïlandais à Bangkok le 31 janvier 2024.
La Cour constitutionnelle a jugé que Move Forward devait
"abandonner immédiatement"
sa mesure phare d'abroger la loi sur la diffamation royale, qui protège le monarque Maha Vajiralongkorn et sa famille.

Un tel programme dénote
"une intention de séparer la monarchie de la nation thaïlandaise, ce qui est très dangereux pour la sécurité de l'Etat"
, ont développé les juges.
"Il y a des interdictions dans l'exercice des droits et des libertés qui affectent la sécurité et la paix du pays, l'ordre de l'Etat et les bonnes mœurs"
, ont-ils poursuivi.

Vainqueur des élections législatives en avril dernier, Move Forward échappe à la dissolution mais garde une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, en raison de ses prises de positions sur la monarchie jugées inconstitutionnelles.

Ce verdict ouvre la voie à une éventuelle action en justice pouvant conduire à la dissolution de Move Forward, en vertu de la réglementation sur les partis politiques.
"C'est une opportunité perdue pour la société thaïlandaise d'utiliser le Parlement pour discuter (de la lèse-majesté, NDLR) avec maturité"
, a réagi Pita Limjaroenrat, la figure du proue du parti qui occupe un rôle de conseiller en chef.

"Nous sommes tous conscients des scénarios devant nous et nous nous préparons en conséquence"
, a-t-il poursuivi, en affirmant que Move Forward n'avait aucune intention de renverser la monarchie.

La percée de la formation réformiste a réveillé de vieilles divisions en Thaïlande, où le pouvoir reste aux mains des élites économiques et militaires attachées au roi, en dépit de l'aspiration au changement exprimée dans les urnes par les nouvelles générations.

Le parti incarné par Pita Limjaroenrat, personnalité charismatique et télégénique qui détonne sur la scène politique thaïlandaise, est le seul dans le pays à évoquer ouvertement une réforme de la loi de lèse-majesté.


Son programme de rupture, qui plaide pour une refonte des institutions et la fin de certains monopoles, a attiré des millions d'électeurs, désireux de tourner la page d'une quasi-décennie sous domination militaire.


Mais ses adversaires, prétextant la dangerosité de Move Forward pour la monarchie, ont réussi cet été à former une coalition hétéroclite pour les exclure du pouvoir.

L'actuel Premier ministre, Srettha Thavisin, s'est engagé à ne pas toucher au sujet. Move Forward faisait l'objet d'une plainte déposée par un avocat proche des milieux conservateurs, qui estime que cette mesure équivaut à vouloir renverser la monarchie.


Les accusés ont dénoncé des poursuites politiques visant à entraver leur dynamique. Aussi puissante que mystérieuse, la monarchie thaïlandaise est protégée par l'une des législations contre la diffamation les plus strictes du monde.


La réglementation de lèse-majesté, connue en Thaïlande comme l'article
"112"
, a été détournée pour étouffer toute contestation dans la foulée des manifestations pro-démocratie de 2020 et 2021, ont indiqué des groupes de défense des droits humains.

Mi-janvier, un tribunal a condamné en appel un militant à 50 ans de prison pour une série de publications sur Facebook jugées diffamatoires envers le roi Maha Vajiralongkorn et sa famille, une peine record.

Depuis le déclenchement de la vague de contestations, plus de 250 personnes, dont des mineurs, ont été accusées d'avoir enfreint l'article 112, selon un collectif local d'avocats des droits humains.

"Je garde toujours espoir. Si les autres pays sont capables d'amender leur loi de lèse-majesté, alors nous pouvons le faire aussi"
, a réagi auprès de l'AFP un porte-parole du parti, le député Rangsiman Rome.

La Cour constitutionnelle est impliquée dans plusieurs des crises qui secouent la Thaïlande de manière récurrente depuis plusieurs décennies. Les juges avaient notamment prononcé en 2020 la dissolution du parti réformiste Future Forward, l'ancêtre de Move Forward, et banni de la vie politique son chef de file.

Ce verdict avait été à l'origine de manifestations géantes réclamant la refonte d'un système jugé biaisé et opaque.


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