
L’édition 2024 du Rapport européen sur l’islamophobie révèle que les discriminations visant les musulmans en Europe ne relèvent plus de cas isolés, mais se sont désormais infiltrées dans les politiques étatiques, les discours médiatiques et les pratiques sécuritaires.
Publié sous la direction du professeur Enes Bayrakli et du maître de conférences Farid Hafez, le Rapport européen sur l’islamophobie 2024, qui documente de manière systématique les pratiques de discrimination, de haine et d’exclusion à l’encontre des musulmans en Europe, analyse l’islamophobie à travers les cadres juridique, politique, médiatique, sécuritaire et éducatif.
Selon le rapport, l’hostilité envers les musulmans en Europe a été examinée pays par pays par des universitaires et chercheurs spécialisés.
L’étude comprend des rapports nationaux consacrés à l’Albanie, l’Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, le Kosovo, la Lituanie, le Monténégro, les Pays-Bas, la Macédoine du Nord, la Norvège, le Portugal, la Roumanie, la Russie, la Serbie, la Slovaquie, l’Espagne, la Suisse et le Royaume-Uni.
Selon le rapport, le génocide survenu à Gaza en 2024 a constitué le principal contexte façonnant l’atmosphère islamophobe en Europe. De nombreux pays européens ont évité de condamner explicitement le ciblage de civils, tandis que les manifestations de soutien à la Palestine ont été interdites, les protestations criminalisées et les militants musulmans particulièrement placés sous surveillance.
Une hostilité envers les musulmans normalisée par l’État
Le rapport souligne que l’hostilité envers les musulmans s’institutionnalise de plus en plus en Europe sous l’impulsion des États.
En Allemagne, le soutien politique inconditionnel à Israël s’est poursuivi, tandis que les politiques migratoires ont été durcies et que l’espace d’expression académique concernant la Palestine s’est restreint dans les universités.
Ce cadrage biaisé a ensuite été utilisé par des responsables politiques d’extrême droite pour justifier des politiques plus dures à l’égard des musulmans.
Bien que certains médias internationaux aient par la suite corrigé leurs informations erronées, l’impact politique et sociétal du récit initial n’a pas pu être inversé.
Hausse alarmante des discriminations et des crimes de haine
Les données de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) montrent que près de la moitié des musulmans en Europe ont été victimes de discriminations au cours des cinq dernières années.
Les domaines où la discrimination est la plus fortement ressentie sont l’emploi et le logement. Près de 39 % des musulmans ont déclaré avoir été confrontés à des traitements racistes lors de leur recherche d’emploi. Les jeunes musulmans nés en Europe, et en particulier les femmes portant le voile, figurent parmi les groupes les plus exposés.
Aucune amélioration notable n’a été observée par rapport aux années précédentes en matière d’agressions physiques et de harcèlement. Près de la moitié des musulmans contrôlés par la police estiment que ces contrôles sont liés à leur origine ethnique ou migratoire.
L’Autriche, l’Allemagne et la Finlande figurent parmi les pays présentant les situations les plus préoccupantes. Au Royaume-Uni, le nombre d’attaques enregistrées par l’organisation Tell Mama, qui joue un rôle clé dans le suivi et le signalement des actes antimusulmans, a atteint son niveau le plus élevé מאז le début de ses activités en 2011.
Selon le rapport, l’hostilité envers les musulmans n’est plus uniquement l’apanage de l’extrême droite, mais est devenue un élément structurant des politiques dominantes.
Éducation et milieu académique : un nouveau champ de confrontation
Les établissements éducatifs sont également devenus des espaces où se concentrent les politiques islamophobes. En France, l’interdiction de l’abaya a été entérinée, tandis que la participation de mères voilées comme accompagnatrices lors de sorties scolaires a fait l’objet de controverses.
En Allemagne et au Royaume-Uni, des étudiants et universitaires exprimant des positions sur la Palestine ont été confrontés à des procédures disciplinaires.
L’année dernière, l’islamophobie en ligne a pris une nouvelle dimension. Des images générées par intelligence artificielle, des contenus deepfake et des campagnes de désinformation organisées ont accéléré la diffusion de théories du complot associant les musulmans à la violence. La circulation rapide de ces contenus sur les plateformes de réseaux sociaux a contribué à une propagation sans frontières de la haine.
Les éditeurs du rapport, Bayrakli et Hafez, ont appelé à la reconnaissance officielle du racisme antimusulman en Europe, à son intégration dans les plans d’action nationaux et à un réexamen des législations antiterroristes sur la base des droits humains.
Le renforcement de la société civile, la transparence dans la collecte des données et la protection des libertés fondamentales figurent parmi les principales recommandations politiques mises en avant dans le rapport.











