S'habiller en "made in Senegal", nouvelle tendance à Dakar

10:296/02/2025, Thursday
AFP
Une vendeuse de la marque So Fatoo dans sa salle d'exposition à Dakar, le 2 janvier 2025. La popularité des vêtements produits localement n'a fait que croître depuis l'arrivée au pouvoir, l'année dernière, du président Bassirou Diomaye Faye et du premier ministre Ousmane Sonko, fervents défenseurs de la souveraineté économique et culturelle.
Crédit Photo : Seylou / AFP
Une vendeuse de la marque So Fatoo dans sa salle d'exposition à Dakar, le 2 janvier 2025. La popularité des vêtements produits localement n'a fait que croître depuis l'arrivée au pouvoir, l'année dernière, du président Bassirou Diomaye Faye et du premier ministre Ousmane Sonko, fervents défenseurs de la souveraineté économique et culturelle.

"Oh c'est magnifique!", s'exclame Fatima Ba, designer en vogue de tenues "made in Senegal", pendant qu'une cliente essaie l'un de ses vêtements dans sa spacieuse boutique du centre de Dakar.

Le modèle est une élégante robe ample à col V profond et manches trois quarts, cousue avec du tissu en soie couleur ocre et ornée de motifs dorés.


La jeune Sénégalaise, fondatrice de la marque
"So Fatoo",
à l'instar de jeunes entrepreneurs, a réussi à imposer sa ligne de vêtements faits localement dans le pays et au-delà, malgré une industrie textile sénégalaise qui peine à sortir du marasme.

Robes, tenues traditionnelles élégantes pour hommes, chemises, polos, pulls, voiles... Les clients, issus généralement d'une classe moyenne supérieure, s'arrachent ses articles.


Fatima Ba assure avec fierté:


Il y a dix ans, les gens ne portaient pas autant de tenues confectionnées localement.

Elles
"sont très tendance actuellement"
, abonde Omar Niang, un couturier de 51 ans qui propose des boubous tradi-modernes exposés sur des mannequins dans un marché de Dakar. Son chiffre d'affaires a notablement augmenté ces dernières années, indique-t-il.

Les vêtements confectionnés dans le pays connaissent un succès grandissant depuis plusieurs années. La tendance s'est accrue depuis l'accession au pouvoir, en mars 2024, du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, chantres d'un souverainisme économique et culturel.

Grands boubous en bazin ornés de broderies ou boubous sur mesure à col Mao ou col rond, dits costumes africains : les deux nouveaux hommes forts du Sénégal ne manquent jamais l'occasion de s'afficher, à l'international comme à l'intérieur du pays, en tenue locale.


Obstacles nombreux


Au bureau, dans la rue, lors de rencontres officielles, de nombreux Sénégalais optent plus qu'auparavant pour le style et les marques locales.


Pourtant, les obstacles sont nombreux pour les fabricants : impôts lourds à supporter, forte concurrence de la friperie et des tissus importés, coûts de production élevés, manque de formation des acteurs, difficultés d'accès à un appui financier...

L'industrie textile représente 11,3 % des entreprises privées sénégalaises et occupe la deuxième place de l'activité économique du pays, derrière le commerce, selon un rapport de 2017 de l'Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal (ANSD).


Le secteur affiche toutefois le plus faible rendement économique, avec seulement 1,2 % du chiffre d'affaires global des entreprises, souligne le rapport.

Autre écueil : les prix restent élevés et la qualité pas toujours au rendez-vous, selon de nombreux Sénégalais qui préfèrent encore se tourner vers des produits étrangers.


Chez
"So Fatoo",
les prix varient entre 30 000 FCFA (45 euros) pour un pull et plus de 300 000 FCFA (457 euros) pour une robe de cérémonie, alors que le salaire moyen est de 54 000 FCFA (82 euros) par mois.

Fatima reconnaît:


Les articles s'adressent surtout à une classe sociale aisée.

S'il est facile de trouver son compte pour les tenues traditionnelles, le marché est encore balbutiant pour la fabrication de vêtements jugés plus confortables, comme les jeans, joggings ou T-shirts.


Tout cela s'explique par l'absence d'une industrie textile capable d'approvisionner suffisamment le marché en tissu, mais aussi par un problème de technicité et de standardisation de la chaîne de valeur, explique la créatrice.


Le Sénégal, important producteur de coton, était pourtant un hub industriel du textile par le passé. Mais l'activité s'est totalement effondrée dans les années 1980.

Exerçant depuis 30 ans dans le textile, Aïssa Dione a récemment mis sur pied une unité de production mécanique de tissus, en plus d'un atelier artisanal.


La manufacture est nichée dans un vaste espace de la banlieue dakaroise, exposé à la poussière et jonché de carcasses de voitures et de détritus. En cette matinée, seules deux des quatre machines, de vieux modèles, tournent à plein régime, rembobinant des mètres de tissu.


Concurrence de la friperie


Mais les quelque 30 mètres fabriqués par jour restent dérisoires, alors que le potentiel pour faire bien mieux est à portée de main, regrette Aïssa Dione.


"Le Sénégal produit un coton de très bonne qualité, mais est incapable de transformer sa matière première. C'est paradoxal"
, relève-t-elle. Or, l'industrialisation est la
"seule solution pour obtenir notre souveraineté"
en matière textile.

Pour redynamiser le secteur, les nouvelles autorités ont relancé en juillet une ancienne usine de production textile dans la région de Kaolack (centre). Elles ont récemment exprimé leur volonté d'interdire à l'avenir l'importation de la friperie, un business qui fait vivre de nombreux Sénégalais.

L'annonce a toutefois provoqué une levée de boucliers de la part des acteurs du secteur, alors que le Sénégal importe chaque année des milliers de tonnes de vêtements de seconde main, bien moins chers.


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