
"Oh c'est magnifique!", s'exclame Fatima Ba, designer en vogue de tenues "made in Senegal", pendant qu'une cliente essaie l'un de ses vêtements dans sa spacieuse boutique du centre de Dakar.
Le modèle est une élégante robe ample à col V profond et manches trois quarts, cousue avec du tissu en soie couleur ocre et ornée de motifs dorés.
Robes, tenues traditionnelles élégantes pour hommes, chemises, polos, pulls, voiles... Les clients, issus généralement d'une classe moyenne supérieure, s'arrachent ses articles.
Fatima Ba assure avec fierté:
Il y a dix ans, les gens ne portaient pas autant de tenues confectionnées localement.
Grands boubous en bazin ornés de broderies ou boubous sur mesure à col Mao ou col rond, dits costumes africains : les deux nouveaux hommes forts du Sénégal ne manquent jamais l'occasion de s'afficher, à l'international comme à l'intérieur du pays, en tenue locale.
Obstacles nombreux
Au bureau, dans la rue, lors de rencontres officielles, de nombreux Sénégalais optent plus qu'auparavant pour le style et les marques locales.
L'industrie textile représente 11,3 % des entreprises privées sénégalaises et occupe la deuxième place de l'activité économique du pays, derrière le commerce, selon un rapport de 2017 de l'Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal (ANSD).
Autre écueil : les prix restent élevés et la qualité pas toujours au rendez-vous, selon de nombreux Sénégalais qui préfèrent encore se tourner vers des produits étrangers.
Fatima reconnaît:
Les articles s'adressent surtout à une classe sociale aisée.
S'il est facile de trouver son compte pour les tenues traditionnelles, le marché est encore balbutiant pour la fabrication de vêtements jugés plus confortables, comme les jeans, joggings ou T-shirts.
Tout cela s'explique par l'absence d'une industrie textile capable d'approvisionner suffisamment le marché en tissu, mais aussi par un problème de technicité et de standardisation de la chaîne de valeur, explique la créatrice.
Exerçant depuis 30 ans dans le textile, Aïssa Dione a récemment mis sur pied une unité de production mécanique de tissus, en plus d'un atelier artisanal.
La manufacture est nichée dans un vaste espace de la banlieue dakaroise, exposé à la poussière et jonché de carcasses de voitures et de détritus. En cette matinée, seules deux des quatre machines, de vieux modèles, tournent à plein régime, rembobinant des mètres de tissu.
Concurrence de la friperie
Mais les quelque 30 mètres fabriqués par jour restent dérisoires, alors que le potentiel pour faire bien mieux est à portée de main, regrette Aïssa Dione.
L'annonce a toutefois provoqué une levée de boucliers de la part des acteurs du secteur, alors que le Sénégal importe chaque année des milliers de tonnes de vêtements de seconde main, bien moins chers.