
Convaincus de l'importance d'une transition en douceur, une dizaine de soldats ivoiriens débriefent leur séance de tir couché avec leurs homologues français dans le camp militaire de Port-Bouët, près d'Abidjan. À quelques jours de la rétrocession officielle de la base à la Côte d'Ivoire, les deux armées assurent avancer main dans la main.
Persuadés d'une coopération sans heurts, les militaires constatent les préparatifs en cours. À l'entrée, les miradors ont été repeints aux couleurs orange, blanche et verte, mais sur la place d'armes, les drapeaux des deux pays flottent encore.
Le 20 février, la France cédera officiellement la base à la Côte d'Ivoire lors d'une cérémonie en présence des ministres de la Défense des deux pays. Le 43e bataillon d'infanterie de marine (43e BIMa) deviendra alors le camp Thomas d'Aquin Ouattara, du nom du premier chef d'état-major de l'armée ivoirienne. Son portrait sera dévoilé sur la façade du poste de commandement.
Mais sur la base de Port-Bouët, les autorités insistent sur une coopération totale entre les deux armées, dans le cadre d'un processus initié en 2023. Depuis quelques semaines, une centaine de parachutistes ivoiriens ont déjà investi les lieux.
Sur le stand de tir, l'adjudant-chef français Frédéric supervise l'une des premières séances de l'armée ivoirienne sur place.
Il explique:
On est juste là avec deux moniteurs pour les conseiller, les appuyer. Par la suite, ils seront autonomes.
La rétrocession de la base s'inscrit dans la volonté française de redessiner sa présence militaire en Afrique. La Côte d'Ivoire reste l'un des principaux alliés de la France en Afrique de l'Ouest. Jusqu'à mille soldats étaient déployés au 43e BIMa, notamment pour la lutte contre le terrorisme qui frappe régulièrement le Sahel et le nord de certains pays du golfe de Guinée.
"Moment historique"
Les liens entre les deux armées remontent à 1961, avec un accord de défense signé au lendemain de l'indépendance.
En 2002, après une tentative de coup d'État contre le président de l'époque Laurent Gbagbo et la prise de contrôle d'une partie du pays par des rebelles, la France avait mis en place la force Licorne pour protéger ses ressortissants et tenter de stabiliser le pays.
En novembre 2004, le 43e BIMa avait servi de refuge à des centaines de civils français victimes de pillages. Des milliers de manifestants pro-Gbagbo avaient convergé vers la base en réclamant le départ de Licorne, jugée complice des rebelles, avant d'être repoussés par les soldats français.
En avril 2011, quelques mois après une élection présidentielle aux résultats contestés par Laurent Gbagbo, Licorne avait mené, aux côtés de l'ONU, des bombardements sur la résidence du président sortant, qui sera finalement arrêté. La mission de la force a pris fin en 2015.
Le retrait français doit s'opérer progressivement au cours de l'année 2025, mais une centaine de soldats français resteront pour des missions de formation et d'accompagnement.
Début janvier, une académie militaire des systèmes d'information et de communication (Amsic) a vu le jour sur la base. Une douzaine de lieutenants de sept pays d'Afrique francophone y suivent actuellement une formation dispensée par un instructeur français.