Crédit Photo : France Inter / X
Le ministre de l'Intérieur français, Bruno Retailleau, le 12 février 2025, sur le plateau de France Inter.
Un magistrat en poste au Tribunal administratif de Melun a longuement recadré le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, mercredi à l'antenne de France Inter, en lui rappelant que le juge n'a fait "qu'appliquer la loi".
"Je voulais juste vous rappeler, Monsieur le ministre, que le jugement qui, apparemment, a eu l'air de vous contrarier, n'est que la stricte application du droit"
, a-t-il lancé, affirmant que
"le magistrat n'a fait qu'appliquer la loi, toute la loi, et rien que la loi"
, qui
"dispose que lorsqu'un étranger est titulaire d'une carte de résident et que l'administration lui retire sa carte de résident de 10 ans, il ne peut pas faire l'objet d'une OQTF".
Et de poursuivre:
"Cette loi a été votée en janvier 2024, dans le cadre de la dernière loi immigration, par le groupe LR (Les Républicains) du Sénat, dont Monsieur Retailleau était le président. Donc, si cette loi ne convenait pas à M. Retailleau, il ne fallait pas la voter. Maintenant, si cette loi est dans l'ordonnancement juridique, le magistrat ne fait que l'appliquer".
Pour rappel, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'OQTF de l'influenceur algérien Doualemn dans une décision rendue le 6 février courant.
Dans la foulée, le ministère de l'Intérieur a annoncé qu'il ferait appel de cette décision.
Pour justifier l'annulation de son OQTF, la justice a considéré qu'il
"existe un doute sérieux sur la légalité de la procédure"
engagée en
par la Place Beauvau.
De fait, le ministère de l'Intérieur doit désormais procéder à un réexamen du dossier de Doualemn sous trois mois, et la justice enjoint la préfecture de lui délivrer un titre de séjour provisoire pendant cette période.
L'OQTF de Doualemn a été annulée alors que, le 29 janvier déjà, le Tribunal administratif de Paris avait suspendu son expulsion, considérant que Bruno Retailleau avait agi en vertu d'une procédure
, alors qu'il aurait dû engager
"une procédure d'expulsion ordinaire".
L'intéressé était jusqu'à présent maintenu au Centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (région parisienne), mais devrait sortir dans les prochaines heures, l'appel n'étant pas suspensif dans le cadre de cette procédure.
Cette nouvelle décision intervient alors que les tensions entre Alger et Paris se sont accrues ces dernières semaines à la suite de cette polémique.
Connu sous le pseudonyme de Doualemn, Boualem Naaman, âgé de 59 ans, avait été arrêté à Montpellier pour des faits qualifiés
"d'incitation à la violence"
sur TikTok et expulsé vers l'Algérie, avant d'être renvoyé en France sur décision des autorités algériennes.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait évoqué des mesures de rétorsion si Alger
Dans un entretien sur LCI, il s'était dit
par le refus de l'Algérie de reprendre l'influenceur. Parmi les options évoquées figurent une révision des quotas de visas, une réduction de l'aide au développement, ou des ajustements dans la coopération bilatérale.
"La France n'aura pas d'autre possibilité que de riposter si cette posture persiste"
, a-t-il mis en garde.
De son côté, Bruno Retailleau avait vivement critiqué la décision des autorités algériennes de refuser l'entrée de Doualemn, estimant que
"l'Algérie cherche à humilier la France"
et qualifiant cette situation de
"seuil extrêmement inquiétant".
En réaction, la diplomatie algérienne avait, dans un communiqué, dénoncé avec fermeté ce qu'elle a qualifié de
"campagne de désinformation"
menée par certains courants politiques en France, notamment l'extrême droite, à l'encontre de l'Algérie.
"L'Algérie n'est, d'aucune façon, engagée dans une logique d'escalade, de surenchère ou d'humiliation",
avait affirmé la diplomatie algérienne, qui accuse
"l'extrême droite revancharde et haineuse, ainsi que ses hérauts patentés au sein du gouvernement français"
de mener
"une campagne de désinformation, voire de mystification, contre l'Algérie".
Jugeant
"arbitraire et abusive" l
'expulsion de "Doualemn", la diplomatie algérienne considère qu'elle
"a fourni à cette partie nostalgique de la France l'occasion de donner libre cours à ses règlements de compte historiques avec l'Algérie souveraine et indépendante".
"Cette occasion a été bien mal choisie. En effet, le ressortissant objet de l'expulsion vit en France depuis 36 ans. Il y dispose d'un permis de séjour depuis 15 ans. Il est père de deux enfants nés de son union avec une ressortissante française. Enfin, il est socialement intégré dans la mesure où il exerce un emploi stable depuis 15 ans",
poursuivait le communiqué de presse.
Selon la même source,
"l'extrême droite, haineuse et revancharde, mène, à travers ses soutiens dans le gouvernement français, une campagne de désinformation contre l'Algérie".
Le Quai d'Orsay avait à son tour réagi à ces déclarations, via son porte-parole, Christophe Lemoine.
"Depuis quelque temps, les autorités algériennes ont adopté une attitude assez hostile vis-à-vis de la France"
, avait-il déclaré sur France Info.
"C'est une réflexion qui est en cours entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et, tout particulièrement son ministre Jean-Noël Barrot, et le ministère de l'Intérieur",
avait-il conclu.
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