
Deux fois par jour, les sirènes de la cimenterie Chip Mong Insee au Cambodge retentissent, annonçant que des explosifs vont extraire du calcaire destiné aux fours de l’usine, qui fonctionne en partie grâce aux déchets plastiques.
Le village, situé dans le sud du Cambodge, est marqué par une pollution visible. De nuit, la fumée blanche s’échappe des cheminées, mais de jour, la poussière envahit les environs. Les habitants accusent l’usine d’être responsable des maladies respiratoires qui se sont multipliées depuis son ouverture.
Une enquête de l'AFP et de SourceMaterial révèle que ce système, censé réduire la pollution et favoriser le recyclage, profite en réalité à une industrie encore plus polluante que l’aviation: les cimenteries, où des quantités massives de déchets plastiques sont brûlées, au détriment de la santé des populations locales.
Le divorce est total entre ceux qui subissent et ceux qui profitent.
La cimenterie a certes apporté des emplois, mais elle a aussi dégradé les conditions de vie des villageois. Pheara, une habitante, témoigne:
Avant, les médicaments suffisaient. Maintenant, il faut en prendre plusieurs fois pour se soigner.
Un problème mondial
Ce problème s’inscrit dans un contexte plus large : selon l'OCDE, 22 millions de tonnes de plastique ont été rejetées dans l’environnement en 2019, et ce chiffre continue d’augmenter. La pollution plastique est particulièrement grave dans des pays comme le Cambodge, où la gestion des déchets est insuffisante.
Les crédits plastiques sont promus comme une solution permettant aux multinationales de compenser leur empreinte plastique. Toutefois, le secteur est en grande partie non régulé, avec des projets certifiés par des auditeurs privés, sans contrôle d’autorités publiques.
"Une solution paresseuse"
Elle permet aux entreprises productrices de plastique de perpétuer leur modèle économique.
Les crédits plastiques coûtent entre 140 et 670 dollars la tonne, et les vendeurs de ces crédits affirment qu’ils incitent les entreprises à réduire leur consommation de plastique. Mais pour l’instant, rien ne les oblige à changer leurs pratiques.
Incendie et pollution
Les cimenteries, traditionnellement alimentées au charbon, ont commencé à incinérer du plastique en remplacement partiel du charbon. Cependant, cette méthode présente des risques sanitaires pour les populations locales, avec des émissions de dioxines et autres polluants. Le plastique brûlé dans ces usines produit également des résidus toxiques qui ne sont pas filtrés correctement.
Le secteur des crédits plastiques, malgré son potentiel économique estimé à 4,2 milliards de dollars d'ici 2050, demeure mal régulé et ses effets bénéfiques sur la réduction de la pollution restent controversés.