Les messages de Khaled Mechaal

11:1917/12/2025, mercredi
MAJ: 17/12/2025, mercredi
Taha Kılınç

Khaled Mechaal, qui dirige la branche de Hamas en dehors de la Palestine, a accordé ces derniers jours une interview exclusive de 52 minutes à la chaîne Al Jazeera. Avec son sérieux habituel, il a répondu aux questions de manière convaincante et détaillée. Ses propos contiennent de nombreux points qui méritent d’être soulignés. Mais ce sont surtout ses analyses sur l’état actuel de la résistance palestinienne et ses commentaires concernant la Syrie qui retiennent particulièrement l’attention. Au


Khaled Mechaal, qui dirige la branche de Hamas en dehors de la Palestine, a accordé ces derniers jours une interview exclusive de 52 minutes à la chaîne Al Jazeera. Avec son sérieux habituel, il a répondu aux questions de manière convaincante et détaillée. Ses propos contiennent de nombreux points qui méritent d’être soulignés. Mais ce sont surtout ses analyses sur l’état actuel de la résistance palestinienne et ses commentaires concernant la Syrie qui retiennent particulièrement l’attention.


Au sujet de la situation actuelle de la résistance palestinienne, Mechaal a résumé les choses ainsi:

"La cause palestinienne n’a jamais été aussi visible et aussi connue qu’aujourd’hui dans son histoire. Autrefois enfermée dans un tiroir, elle est désormais sur la table. À l’échelle mondiale, la réputation d’Israël a été gravement entachée. Tous les investissements qu’ils ont faits jusqu’ici en matière de communication et d’image sont partis à la poubelle. Désormais, sur toutes les plateformes, les sionistes sont critiqués. Les jeunes générations de la oumma islamique se sont réapproprié la cause palestinienne. Oui, le prix a été lourd, c’est vrai. Mais il ne faut pas oublier ceci: les libertés ont toujours un coût élevé.

Pour la suite, nous avons deux attentes:

1) une initiative internationale pour la reconstruction de Gaza et la satisfaction urgente des besoins de logement des habitants,
2) l’absence de toute intervention extérieure en Palestine; que la Palestine soit gouvernée uniquement par les Palestiniens."

L’insistance de Mechaal sur
"l’absence d’interventions extérieures en Palestine et le fait que seuls les Palestiniens doivent gouverner la Palestine"
vise, bien entendu, certains acteurs du monde arabe. Car il n’est un secret pour personne que certains États travaillent sur des formules politiques excluant Hamas, en intervenant directement dans la scène politique palestinienne.

Hamas, la région et la question syrienne


À la question du journaliste:
"Ces deux dernières années, notre région a connu des bouleversements vertigineux. La puissance de l’Iran s’est érodée. Le Hezbollah a subi de lourds coups. En Syrie, le régime d’Assad est tombé et une nouvelle administration est arrivée au pouvoir. Dans l’ensemble de ces événements, où se situe Hamas?",
la réponse de Mechaal constituait, pour reprendre le terme médiatique, le moment fort de l’entretien:

"Hamas, tout au long de sa longue marche, a reçu aide et soutien de l’ensemble des pays arabes et islamiques. La quantité, la nature et l’ampleur de ces soutiens ont varié avec le temps. La porte de Hamas est ouverte à tous et nous entretenons des relations avec tout le monde. Nous avons une dette de gratitude envers tous ceux qui se sont tenus à nos côtés jusqu’à présent. Toutefois, Hamas ne s’est jamais livré entièrement à un seul pôle en tournant le dos aux autres cercles du monde arabe et islamique. Nous respectons tous les pays et n’intervenons dans les affaires intérieures d’aucun d’entre eux. Depuis le début, Hamas n’a compté que sur lui-même. C’est pourquoi l’affaiblissement de l’un de ses soutiens ne provoque pas l’effondrement de Hamas.

Nous avions des relations avec l’ancien régime syrien. Mais lorsque la crise a éclaté [avec le Printemps arabe], un différend est né entre nous et nous avons quitté la Syrie. Nous n’appartenons à aucun camp et ne dépendons de personne. Nous agissons de manière indépendante. Nous avons nos propres règles, principes et valeurs. Nous nous réjouissons sincèrement et profondément de la liberté à laquelle le peuple syrien a accédé aujourd’hui. Tous les peuples du monde arabe méritent, de la même manière, la liberté et la dignité."

La ligne indépendante de Khaled Mechaal


Sur la question syrienne, Khaled Mechaal a toujours agi au sein de Hamas selon une ligne autonome. Lorsque le régime baasiste a commencé à s’attaquer aux civils, c’est lui qui a personnellement pris la décision de quitter Damas. De même, on l’a vu, lors de sa célèbre visite à Gaza en 2012, brandir le drapeau de la Syrie libre devant des dizaines de milliers de personnes. Par la suite, il s’est distingué comme une figure prônant en permanence l’équilibre dans les relations avec l’Iran. Alors que des responsables comme Ismaïl Haniyeh, Yahya Sinwar ou Khalil al-Hayya concevaient les relations avec l’Iran comme un
"partenariat stratégique"
et une
"communauté de destin",
Mechaal s’est positionné plus près de l’axe Türkiye-Qatar. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a été marginalisé et tenu à l’écart. Le fait qu’il existait, à cet égard, une division au sein de Hamas est une réalité que toute personne suivant de près le mouvement a immédiatement constatée.

Khaled Mechaal est l’un des rares dirigeants politiques du monde arabe à disposer d’une véritable
"intelligence stratégique"
. Sa manière de comprendre les événements et les propositions qu’il formule montrent qu’il ne perd pas de vue les réalités du terrain. Mais malheureusement, le contexte actuel au Moyen-Orient ne se prête guère à tirer pleinement profit de son expérience.
Si seulement il écrivait ses mémoires de manière détaillée et consignait son témoignage sur cette période…
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