La désinformation vaccinale, un effet secondaire durable du Covid-19

17:2919/01/2025, Pazar
MAJ: 19/01/2025, Pazar
AFP
Un agent de santé vérifie la température d'une femme avant d'administrer le vaccin de rappel contre le coronavirus Inavac Covid-19, le 29 décembre 2023.
Crédit Photo : SONNY TUMBELAKA / AFP
Un agent de santé vérifie la température d'une femme avant d'administrer le vaccin de rappel contre le coronavirus Inavac Covid-19, le 29 décembre 2023.

Accompagnée de son "infodémie", la pandémie de Covid-19 a constitué une caisse de résonance inédite pour les réseaux de désinformation, offrant aux vaccino-sceptiques une visibilité et une popularité dont certaines figures bénéficient toujours cinq ans après.

Effets secondaires
"dangereux"
ou produits
"jamais testés"
: les
"antivax"
n'ont pas attendu 2020 pour propager des fausses informations sur les vaccins. Mais l'émergence du Covid-19 a servi d'accélérateur,
"contribuant à transformer un mouvement de niche en une force plus puissante"
, note une étude parue la revue dans The Lancet en 2023.

La pandémie a donné l'occasion aux vaccino-sceptiques de changer de stratégie. Auparavant à destination des parents - les enfants recevant le plus grand nombre d'injections - leurs discours se sont généralisés, permettant de toucher un public beaucoup plus large.

"Lors de cette période, on a observé plusieurs bulles aux contours normalement bien étanches converger vers l'antivaccinisme"
, dépeint Romy Sauvayre, maîtresse de conférences en sociologie et spécialiste des croyances médicales.

Aux côtés des conspirationnistes habituels, des adeptes des médecines alternatives, des personnalités politiques mais aussi du domaine médical ont multiplié les déclarations fausses ou infondées sur les vaccins ou sur le virus lui-même.


Les débats autour de l'efficacité de l'hydroxychloroquine comme remède au Covid-19 promu par Didier Raoult - dont l'étude fondatrice a récemment été invalidée - ont ainsi agité une partie de la population, le soutenant dans sa croisade.


Comme lui, d'autres figures disposant d'un capital scientifique ou médical se sont démarquées en s'opposant au consensus scientifique.

"Derrière ces médecins médiatiques parfois assez radicaux se cachent plus largement des enjeux de confiance à l'égard des autorités sanitaires"
, pointe Jeremy Ward, chargé de recherche à l'Inserm et coauteur d'un vaste rapport sur la vaccination en France depuis 2020.

Défense des libertés


Au-delà des préoccupations en termes de santé,
"ce mouvement s'est surtout structuré autour de la défense des libertés individuelles"
, souligne Jocelyn Raude, chercheur en psychologie de la santé. En témoignent les nombreuses manifestations aux quatre coins du globe contre les mesures de restriction et l'obligation vaccinale.

La pandémie a ainsi permis au mouvement anti-vaccins de continuer son rapprochement avec la droite conservatrice, propulsant ses militants parfois jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir politique, dont Robert Kennedy Jr reste le meilleur exemple.


Ancien avocat en droit de l'environnement, le neveu du président assassiné John F. Kennedy s'est vu propulsé par Donald Trump à la tête du futur ministère américain de la Santé.


Une victoire et une reconnaissance pour les antivax auprès desquels il défilait lors des manifestations, affirmant par exemple que le Covid-19 était un virus
"ethniquement ciblé".

Selon le Center for Countering Digital Hate (CCDH), une ONG qui lutte contre la désinformation en ligne,
"RFK Jr"
et son organisation anti-vaccins Children's Health Defense - dont il s'est temporairement retiré - font d'ailleurs partie des douze principaux diffuseurs d'infox pendant la pandémie.

"Il fait partie des comptes anti-vaccins qui ont connu la croissance la plus rapide pendant la pandémie. On parle d'une audience de centaines de milliers ou de millions de personnes. C'est une position très forte pour se construire une base de soutien pour ses ambitions politiques"
, détaille Callum Hood, responsable de la recherche au sein du CCDH.

Antisystème et réseaux sociaux


Lors de la pandémie, les réseaux sociaux ont en effet été
"le fer de lance des tentatives de désinformation sur les vaccins"
, relève Noel T. Brewer, professeur à l'école de santé publique de l'Université de Caroline du Nord et l'un des auteurs de l'étude parue dans le Lancet.

Mais les conséquences en termes de santé publique sont difficiles à analyser.
"Certains chercheurs pensent que l'exposition répétée à des fausses informations peut amener les gens à s'abstenir de se faire vacciner, quand d'autres pensent que les effets de cette exposition sont relativement faibles car elle ne leur permettrait que de justifier une hésitation vaccinale préexistante"
, développe Jocelyn Raude.

Aujourd'hui, le mouvement s'est un peu essoufflé avec la baisse d'intérêt pour le Covid-19, mais ceux qui ont acquis une notoriété en désinformant pendant la pandémie ont appris à se renouveler.


"Ce sont les mêmes comptes qui partagent désormais des contenus pro-russes ou climato-sceptiques"
, présente Laurent Cordonier, sociologue et directeur de la recherche de la Fondation Descartes.

"Il y a un côté stratégique mais aussi une véritable cohérence à toucher à ces différents sujets qui ne semblent avoir aucun lien entre eux. Le moteur, c'est l'antisystème"
, explique le chercheur.

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