
Le rachat d’Isla Délice par A&M Capital Europe, partenaire stratégique du cabinet Alvarez & Marsal récemment implanté à Tel-Aviv, ravive les interrogations sur l’indépendance et l’éthique du marché halal français.
Isla Délice change d’actionnaire
Début septembre, Isla Délice, première marque halal en France, a officiellement changé de propriétaire. Jusqu’alors détenue par le fonds britannique Perwyn, l’entreprise est passée sous le contrôle d’A&M Capital Europe (AMCE), un fonds d’investissement middle-market basé à Londres.
Sur le plan économique, l’opération s’inscrit dans une logique classique de capital-investissement : prise de contrôle du leader du marché, optimisation industrielle, acquisitions ciblées et développement à l’international, avant une revente à moyen terme.
Mais le calendrier et l’environnement géopolitique confèrent à ce rachat une dimension bien plus sensible.
Une implantation stratégique à Tel-Aviv
Quelques jours avant l’annonce officielle du rachat, le cabinet Alvarez & Marsal, partenaire stratégique revendiqué d’AMCE, enregistrait sa filiale A&M Cyber Risk Services LTD à Tel-Aviv. Selon le média Al-Kanz, cette implantation se situe à proximité immédiate de l’état-major de l’armée israélienne et du ministère de la Défense.
Cette filiale n’est pas un simple bureau de représentation. Elle déploie l’activité Global Cyber Risk Services, spécialisée dans la gestion de crise, les cyber war rooms, les simulations de guerre et la coopération avec les autorités sécuritaires, au sein d’un écosystème étroitement lié à l’appareil sécuritaire israélien.
Cette installation intervient alors que la guerre à Gaza se poursuit et qu’Israël est accusé de crimes de guerre par de nombreuses ONG internationales et experts en droit international.
Partenariat stratégique, indépendance juridique
AMCE et Alvarez & Marsal sont juridiquement distincts. Toutefois, leur partenariat stratégique est public et assumé. AMCE met régulièrement en avant l’accès à l’expertise opérationnelle et au réseau mondial d’Alvarez & Marsal pour accompagner la transformation des entreprises de son portefeuille.
Concrètement, cela signifie que les activités et l’image du partenaire stratégique d’AMCE peuvent indirectement peser sur la perception des entreprises qu’il contrôle, dont Isla Délice.
Une réputation déjà fragilisée
Depuis plus d’une décennie, Isla Délice est régulièrement la cible de rumeurs l’accusant de liens avec Israël ou de manquements aux exigences du halal. Ces accusations, longtemps infondées, ont notamment été alimentées par l’identité de son fondateur, l’industriel français Jean-Daniel Hertzog, et par des campagnes de boycott récurrentes.
Jusqu’ici, la marque s’est toujours défendue de tout lien avec Israël. Mais la situation actuelle modifie la nature du débat : Isla Délice appartient désormais à un fonds partenaire d’un groupe dont une activité clé s’inscrit dans un secteur stratégique israélien.
Dans un marché halal fondé sur la confiance, cette réalité documentée pourrait avoir un impact durable sur l’image de la marque, en France comme à l’international, au moment même où Isla Délice cherche à accélérer son expansion européenne.
Un enjeu structurel pour le marché halal
Au-delà du cas Isla Délice, cette affaire met en lumière un problème plus large : la dépendance des consommateurs musulmans à des marques halal contrôlées par des acteurs financiers extérieurs, parfois impliqués dans des contextes géopolitiques controversés.
Dans un secteur en pleine croissance mais encore largement dominé par des logiques financières, la question de la souveraineté économique, de la cohérence éthique et de la transparence devient centrale.
La réaction des consommateurs pourrait, à terme, redessiner le paysage du halal en France et en Europe.






