L’étau se resserre

10:4129/12/2025, lundi
MAJ: 29/12/2025, lundi
Süleyman Seyfi Öğün

Allons-nous vers une guerre entre la Türkiye et Israël? J’ai déjà écrit auparavant pour examiner cette possibilité. Sur le papier, certains peuvent soutenir que cette hypothèse est très faible. L’argument avancé repose sur le fait que la Türkiye, État membre de l’OTAN, et Israël appartiennent tous deux au camp occidental. Un tel conflit ou une telle guerre désorganiserait avant tout ce camp occidental et pourrait même précipiter la fin d’une OTAN déjà profondément usée. Les tenants de cette thèse

Allons-nous vers une guerre entre la Türkiye et Israël? J’ai déjà écrit auparavant pour examiner cette possibilité. Sur le papier, certains peuvent soutenir que cette hypothèse est très faible. L’argument avancé repose sur le fait que la Türkiye, État membre de l’OTAN, et Israël appartiennent tous deux au camp occidental. Un tel conflit ou une telle guerre désorganiserait avant tout ce camp occidental et pourrait même précipiter la fin d’une OTAN déjà profondément usée. Les tenants de cette thèse affirment que ce scénario serait bloqué dès le départ par les États-Unis et l’Union européenne.


D’un autre côté, nous savons que les États-Unis, mus par des motivations économiques, souhaitent stabiliser et réorganiser au plus vite le Moyen-Orient. Nous savons aussi que l’administration américaine a, de différentes manières, temporisé face aux pressions d’Israël visant à régler définitivement le dossier iranien par une opération conjointe.
Dans ce cadre, on pourrait raisonnablement penser que Washington n’accepterait pas une guerre Türkiye-Israël.

Oui, sur le papier, ces arguments peuvent sembler fondés. Mais l’histoire est remplie d’événements qui ont réduit à néant les calculs les plus rationnels. C’est pourquoi il est plus pertinent d’observer attentivement les évolutions concrètes et les positions réelles des acteurs.


Un ordre régional imposé par Israël


La paix et l’ordre moyen-orientaux souhaités par Israël reposent sur une structure qui maximise ses propres intérêts et transforme les autres États en vassaux gravitant autour de son centre. Cette ambition est portée de manière radicale et sans concession.
La Jordanie et les Émirats arabes unis se sont livrés sans conditions à ces plans et se sont rangés aux côtés d’Israël.
Israël affirme avec force qu’il ne se retirera pas de Gaza et qu’il ne s’arrêtera pas avant d’avoir expulsé le peuple palestinien de ses terres. L’Égypte, bien qu’encline à de nombreuses concessions, poursuit ses inquiétudes et ses objections, consciente que cette déportation la viserait directement. Les dimensions humanitaires et morales de la question ne les intéressent pas; leur seule préoccupation est le fardeau que représenterait l’expulsion de deux millions de Palestiniens vers l’Égypte. L’Égypte peut-elle être apaisée? Compte tenu de l’intégration avancée de ses initiatives en Méditerranée orientale avec Israël, je pense que cela pourrait être obtenu d’une manière ou d’une autre.

En revanche, pour Israël, l’État le plus difficile à calmer reste l’Arabie saoudite
. Les Saoudiens, qui accordent des concessions extraordinaires aux États-Unis pour les satisfaire, maintiennent néanmoins leur insistance sur la solution à deux États lorsqu’il s’agit de Gaza.
Plus frappant encore, l’alliance entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ne fonctionne plus.
Il faut prendre en compte qu’ils sont presque au bord de l’affrontement au Yémen.

En Irak, l’influence iranienne n’a pas été éliminée.
Cette situation irrite autant Israël que les États-Unis. Ils voient d’un très mauvais œil le développement des relations entre la Türkiye et l’Irak. Il faut s’attendre à ce qu’ils fassent tout leur possible pour bloquer et rendre inopérant le projet de la Route du développement.

Le Liban, lui non plus, n’est pas apaisé. L’expansionnisme israélien continue d’étrangler cet État fragile. Ce beau pays peut basculer à tout moment dans une guerre civile.


Syrie, Iran et le risque d’escalade


Mais pour Israël, les deux plus grandes menaces demeurent l’Iran et la Türkiye.
Tel-Aviv s’efforce encore de convaincre les États-Unis de faire tomber l’Iran. Pour cela, l’espace aérien syrien doit rester ouvert.
La priorité de la Türkiye, quant à elle, est de constituer en Syrie une ligne commune, avec l’administration et l’armée de Damas, capable de contenir Israël.
Après l’éviction de l’Iran en Syrie, la Türkiye souhaite combler le vide laissé. Pour normaliser ses relations avec Israël, Ankara pose deux conditions majeures: la conclusion d’un accord à Gaza garantissant les droits de la Palestine, et le recul de la volonté israélienne de maintenir la Syrie faible et fragmentée.
Ankara veut qu’une Syrie forte, construite en coopération avec la Türkiye, serve de zone tampon face à Israël. À cet égard, le démantèlement des FDS revêt une importance vitale.

À la lumière de ces éléments, il faut reconnaître que la situation est verrouillée et que la Syrie alimente un potentiel de confrontation entre la Türkiye et Israël.
Nous apprenons que la Russie souhaite profiter de cette situation pour se réimplanter en Syrie.
On peut également noter qu’Israël y est favorable. Mais si cela se produit, sera-ce dans l’intérêt de la Türkiye? À court terme, on pourrait le penser pour faire baisser la tension en Syrie. Mais dans une perspective plus large, cela irait à l’encontre des intérêts turcs. Cela signifierait un renforcement du triangle Russie-Inde-Israël en Syrie. La Russie y jouerait alors un rôle de garant sécuritaire d’un axe partant de l’Inde, traversant le Golfe et aboutissant à Israël, contribuant ainsi à rassurer ce dernier. Ce serait aussi le pilier central d’un autre axe en Méditerranée orientale, relié à la partie grecque de Chypre et à la Grèce. Dans ce contexte, il apparaît crucial qu’Ankara et Damas, qui cherchent à stopper l’expansionnisme israélien dans le sud de la Syrie et mènent des négociations avec Moscou, parviennent à s’accorder étroitement.

La tension Türkiye-Israël s’est également étendue à la mer Rouge.
La reconnaissance du Somaliland par Israël en est une illustration claire.
Par ailleurs, ils continuent d’attiser les différends entre l’Éthiopie et la Somalie, que la Türkiye avait contribué à apaiser.

Pour ma part, je pense que le résultat de la rencontre Trump-Netanyahu, qui se tiendra dans les prochaines heures en Floride, permettra de dénouer certains nœuds. Si Netanyahu en sort avec un visage satisfait, on pourra prévoir une accélération de l’escalade dans cette région. Si, au contraire, cette rencontre assombrit son expression, j’y verrai au moins des indices laissant penser que l’évolution pourrait, sous certains aspects, soulager la Türkiye.


N’oublions pas que nous avons en face de nous une administration israélienne qui se nourrit du sang et de la guerre.
Désormais, je ne peux plus dire sereinement: "
Non, la Türkiye et Israël ne feront pas la guerre".
L’année 2026 m’inquiète profondément, vraiment profondément.
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