Dans les camps de Cox's Bazar, un conseil rohingya nouvellement élu relance les revendications en faveur d’un rapatriement en Birmanie.
Un conseil des Rohingyas récemment élu suscite un intérêt croissant dans les camps de réfugiés insalubres de Cox's Bazar, au Bangladesh, où les nouveaux dirigeants communautaires assurent relancer les efforts en faveur de leur rapatriement en Birmanie.
Le Bangladesh abrite plus d'un million de membres de cette minorité apatride majoritairement musulmane, dont la plupart ont fui la répression militaire de 2017 en Birmanie voisine, laquelle fait l'objet d'une enquête pour génocide devant la Cour internationale de justice (CIJ).
En juillet, les réfugiés ont élu des représentants pour la première fois depuis le début de leur arrivée il y a huit ans, aboutissant à la création d'un Conseil uni du Rohingya (UCR).
Plus de 3.000 électeurs issus de 33 camps de réfugiés ont voté pour élire un comité exécutif chargé de la défense des droits humains, de l'éducation et de la santé.
S'adressant à une foule rassemblée dans un camp, le président de l'UCR, Mohammad Sayed Ullah, a exhorté les réfugiés à ne pas oublier les violences subies dans l'État birman de Rakhine (anciennement Arakan), région côtière limitrophe du Bangladesh.
"N'oubliez jamais que nous avons laissé derrière nous les tombes de nos parents. Nos femmes sont mortes en chemin. Elles ont été torturées et tuées (...) et certaines se sont noyées en mer"
, a lancé M. Sayed Ullah.
Nous devons nous préparer à rentrer chez nous. L'UCR souhaite se faire le porte-parole des Rohingyas à la table des négociations. Cela nous concerne, et pourtant nous n'étions absolument pas considérés comme partie prenante.
Ce nouveau conseil n'est pas le premier essai des réfugiés rohingyas pour s'organiser. Plusieurs groupes avaient été créés après 2017, notamment l'Arakan Rohingya Society for Peace and Human Rights (ARSPH), autrefois dirigée par Mohib Ullah, assassiné en 2021.
Mais de nombreuses organisations ont été dissoutes après un important rassemblement en 2019, marquant le deuxième anniversaire de l'exode. Les exilés avaient alors déclaré qu'ils ne rentreraient chez eux qu'avec des garanties complètes en matière de droits et de sécurité.
"Certains journaux ont déformé nos propos, affirmant que nous souhaitions rester définitivement au Bangladesh"
, explique M. Sayed Ullah.
"De nombreux organisateurs ont été arrêtés. Le coup le plus dur a été l'assassinat de Mohib Ullah."
Aujourd'hui, la confiance renaît lentement pour environ 1,7 million de Rohingyas, regroupés sur plus de 3.200 hectares dans les camps surpeuplés de Cox's Bazar, dans l'extrême sud du Bangladesh. De nombreux réfugiés ont commencé à s'adresser à l'UCR pour dénoncer les abus de certains leaders locaux, signe d'une évolution des mentalités.
Pour Khairul Islam, 37 ans, l'UCR représente une lueur d'espoir dans un avenir incertain.
"On arrive à peine à respirer dans ces pièces bondées des camps. Il n'y a pas d'intimité, toute notre famille vit dans une seule pièce"
, raconte M. Islam, ancien chef d'entreprise dans le secteur du bois.
"Il fait une chaleur insupportable à l'intérieur. En Birmanie, on n'avait même pas besoin de ventilateur. L'été, on s'asseyait sous les grands arbres"
, se souvient-il, les yeux embués de larmes.
Selon lui, l'UCR fait
"tout pour nous rapatrier"
en Birmanie, plongée dans une guerre civile depuis le coup d'État militaire de 2021.
Les habitants des camps semblent progressivement se rallier à la direction de l'UCR. Un journaliste de la presse a rencontré plus d'une dizaine de Rohingyas patientant devant les bureaux du conseil pour déposer des plaintes. Certains ont déclaré avoir été torturés, d'autres ont rapporté la perte de petites quantités d'or emportées lors de leur fuite.
Pour les experts, il est toutefois trop tôt pour déterminer si le nouveau conseil représentera réellement les Rohingyas ou s'il sert avant tout les autorités bangladaises.
"Les 'élections' de l'UCR semblent avoir été étroitement contrôlées par les autorités"
, estime Thomas Kean, consultant principal à l'ONG International Crisis Group.
Les menaces sécuritaires demeurent également élevées et compliquent les efforts de dialogue politique. Des groupes armés, dont l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan et l'Organisation de solidarité rohingya, continuent d'opérer dans les camps.
Au moins 65 Rohingyas ont été tués en 2024 dans les camps, selon un rapport publié en mars par l'ONG Fortify Rights.
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