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Un siècle après la Grande Guerre, la quête des soldats disparus au front s'intensifie

Disparus au front il y a 105 ans et retrouvés récemment, trois soldats canadiens de la Grande Guerre sont inhumés en grande pompe dans le nord de la France: "un jour plein d'émotion" pour la famille du sergent Richard Musgrave, alors que ce type de découverte se multiplie.

10:22 - 11/06/2023 dimanche
MAJ: 09:23 - 12/06/2023 lundi
AFP
Crédit photo: AFP
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Ces dernières années, de plus en plus de soldats disparus lors la Première guerre mondiale sont retrouvés, à la faveur de grands travaux et d'une meilleure organisation des services chargés de prendre en charge leurs dépouilles.


"On savait qu'il avait été tué"
mais
"avoir un lieu où se recueillir, c'est tout à fait différent"
, souligne Gordon Gilfether, 77 ans, petit-neveu du sergent Musgrave, du 7e bataillon d'infanterie canadien, tué à 32 ans.

C'est un jour plein d'émotion.

Un autre petit-neveu, James Musgrave Colteman, 83 ans, baptisé ainsi en mémoire du disparu, se souvient de sa photo
"accrochée dans le séjour chez ma grand-mère, sa seule soeur"
.

C'est extraordinaire. Mon seul regret est que notre grand-mère ne soit pas là.

Le sergent Musgrave, retrouvé en 2017 près de Lens (Pas-de-Calais) a été inhumé jeudi avec les honneurs militaires dans le cimetière britannique le plus proche, à Loos-en-Gohelle, avec deux frères d'armes retrouvés à ses côtés: Harry Atherton, 24 ans, et le caporal Percy Howarth, 23 ans.


600.000 soldats toujours portés disparus


Nés en Grande-Bretagne, ils avaient tous émigré au Canada où ils étaient marin, charpentier et transporteur avant de s'engager et d'être renvoyés en Europe.


Ils sont tombés au premier jour de la féroce bataille de la côte 70, où plus de 10.000 Canadiens furent tués ou blessés entre le 15 et le 25 août 1917 en tentant de reconquérir la ville minière stratégique de Lens.


Au moins 600.000 hommes morts au front dans le nord de la France lors de la Première guerre mondiale sont toujours portés disparus, dont 100.000 venus de l'ex-empire britannique.

Longtemps, les ossements régulièrement retrouvés entre la Belgique et Paris ont été discrètement évacués.


"Lors de la construction des premières grandes infrastructures, il n'y avait pas de protocole d'exhumation"
, explique Alain Jacques, directeur du service d'archéologie d'Arras, l'un des premiers à défendre des fouilles systématiques pour cette période.

"Puis les aménageurs ou agriculteurs ont été réticents à signaler les corps qu'ils découvraient, par peur que cela bloque leurs travaux".

Selon lui, les découvertes s'accélèrent désormais
"car les chantiers font appel systématiquement aux démineurs, d'anciens militaires souvent sensibles à ces dépouilles, mais aussi grâce à l'existence de services dédiés réactifs".

"Occasion cruciale"


L'organisme veillant aux sépultures des soldats de l'ex-empire britannique, la Commonwealth War Graves Commission (CWGC), est doté depuis deux ans d'anthropologues basés dans le nord de la France, chargés de récupérer les corps et éléments d'identification.


Côté français, l'Office national des Anciens combattants a également recruté une anthropologue récemment.


"On a construit un réseau dans le monde du BTP, du déminage, la police pour être notifiés des découvertes fortuites"
, souligne Stephan Naji, responsable de l'unité de récupération de la CWGC.

Ce service prend en charge 40 à 60 corps chaque année, découverts lors de travaux agricoles ou de chantiers -comme les éoliennes.


Dans ses laboratoires, une centaine de soldats du Commonwealth sortis de terre notamment lors de la construction du nouvel hôpital de Lens, sont en cours d'identification.


Des dizaines, voire des centaines d'autres pourraient être exhumés lors du creusement du canal Seine-Nord qui ralliera d'ici 2030 Compiègne (Oise) à Cambrai (Nord), courant sur 107 km dont une centaine le long de la ligne de front.


"Nous nous efforcerons d'identifier le plus possible d'entre eux, et de retrouver leurs familles. C'est une occasion brève mais cruciale"
, souligne Claire Horton, directrice de la CWGC.

A tel point qu'un nouveau cimetière de 1.200 places est en cours de construction à Loos-en-Gohelle, jouxtant le cimetière britannique actuel.


Pour Gordon Gilfether,
"le message, c'est que même après un siècle, nous n'oublierons qu'ils ont sacrifié leur vie pour qu'on vive en paix".

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